La SNCF malade de son réseau
Fin août, un TGV est resté bloqué toute une nuit dans les Landes avec un millier de voyageurs à son bord. Une illustration criante des besoins d’investissement du secteur.
Comme dans tous les films catastrophe, c’est un enchaînement de problèmes inattendus qui provoque le chaos. A la SNCF, chaque année réserve son lot d’incidents. Déjà bousculé par la crise sanitaire, l’opérateur public a encore connu cet été un épisode douloureux avec le blocage en pleine voie d’un TGV reliant Hendaye (Pays basque) à Paris. La double rame, partie le dernier dimanche d’août, à la veille de la rentrée scolaire, est restée figée jusqu’à une heure avancée de la nuit près de Dax, interrompant l’ensemble de la circulation vers le Sud- Ouest.
Cette nouvelle galère n’a pas amélioré l’image dégradée de l’entreprise, quand bien même les Français restent très attachés au train. « La réalité est dure à entendre. On s’est longtemps moqué des Britanniques, mais on oublie que la France a, aujourd’hui, l’un des pires réseaux ferrés d’Europe », souffle un patron du secteur ferroviaire. Le résultat de trente ans de sous-investissements. Caténaire arrachée, poste d’aiguillage défaillant, alimentation électrique coupée… La catastrophe de Brétigny en 2013 a, certes, servi d’électrochoc. A cette époque, on passe de 500 à 1 000 kilomètres de voies renouvelés chaque année. « Mais, avec 34 000 kilomètres de lignes, on est encore loin du compte. En Allemagne, les voies ont 17 ans de moyenne d’âge. Les nôtres en ont 34 ! » rappelle Didier Mathis, secrétaire général de l’Unsa-Ferroviaire.
Alors, forcément, le risque de pépin est important, surtout en période de pointe, quand la cadence s’accélère. Les effets de la surchauffe sont connus. Prenez les aiguillages. Avec 2 200 postes à travers le pays, la France a une organisation ultra-éclatée, ce qui n’a pas échappé au nouveau PDG de SNCF Réseau, le Belge Luc Lallemand : dès sa prise de fonction, il a souligné cette faiblesse lors d’une audition au Sénat. C’est pourquoi il souhaite accélérer le développement de postes de commande centralisés, « chers mais très efficaces », promet un haut cadre de SNCF Réseau. Cet investissement symbolique tranche avec la stratégie déployée depuis les années 1990. La SNCF a longtemps porté ses efforts sur des lignes à faible circulation, « ce qui a conduit à rajeunir significativement ce patrimoine, au détriment de la partie la plus circulée du réseau », notait Jean-Cyril Spinetta dans son rapport choc publié en 2018, très critique sur la gestion des petites lignes. Et quand le matériel ne fait pas des siennes, ce sont les installations à proximité des rails qui dysfonctionnent, comme ce fut le cas à Paris, en juillet 2018, avec l’incendie d’un poste d’alimentation électrique RTE ayant plongé la gare Montparnasse dans le noir pendant trois jours.
Sur le Hendaye-Paris, c’est encore une « cascade d’emmerdes », pour reprendre les termes d’un technicien girondin, qui a provoqué la paralysie. Selon les premiers éléments de l’enquête interne, dont L’Express a pu prendre connaissance, le matin de l’incident, un défaut est signalé sur la caténaire après le passage d’un TGV. « On ne sait pas encore si elle était trop usée ou si c’est le pantographe, ce bras articulé situé au-dessus de la locomotive, qui a endommagé le câble », explique une personne proche du dossier. L’alerte est donnée à la mi-journée, mais l’équipe d’urgence chargée des pannes électriques est déjà à pied d’oeuvre depuis la veille sur un autre incident beaucoup plus loin. « Faute d’une équipe spécialisée disponible, nous avons essayé de laisser passer un autre train pour gagner du temps. Et, malheureusement, la caténaire a lâché », ajoute cette même source. Problème, dans cette grande ligne droite landaise, il n’y a
que deux voies. Impossible donc de contourner le tronçon en panne, ce qui fait encore rager la région Nouvelle-Aquitaine. « Cela fait des années que l’on demande un doublement de la ligne et une prolongation de la LGV. Nous avions alerté depuis des mois le gouvernement sur la dégradation préoccupante du réseau », explique-t-on à l’hôtel de région, où l’on a chiffré à 3 milliards d’euros la remise en état des 3 410 kilomètres de voies.
La SNCF a toujours été confrontée à des histoires de gros sous. Et, pourtant, 2020 devait être une année record en matière d’investissements, puisqu’une enveloppe de 6,2 milliards d’euros avait été budgétée, dont 2,8 milliards pour renouveler le réseau. Ce budget est, pour l’essentiel, le fruit du contrat de performance signé fin 2016 avec l’Etat, qui accorde 46 milliards d’euros au gestionnaire du rail sur dix ans. « Mais il faut bien se rendre compte que les travaux réalisés avec cette enveloppe permettent juste de stopper le vieillissement, pas encore de rajeunir l’infrastructure, résume un cadre de l’entreprise publique. Sans le plan de relance, on aurait pu se
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P. 53. Ces chèques en blanc qu’on s’arrache à Wall Street
P. 54. Le combat perdu des constructeurs auto français dans le haut de gamme
P. 55. Microsoft se rêve en Netflix des retrouver dans une impasse. Là, on va maintenir notre trajectoire. »
Le gouvernement vient, en effet, de débloquer une nouvelle aide de 4,7 milliards d’euros, versée pendant deux ans, pour soutenir le secteur ferroviaire. Seulement, SNCF Réseau ne devrait en capter que la moitié, une partie devant éponger les pertes commerciales de SNCF Voyageurs dues au confinement. Chez Réseau, on estime qu’il manque encore 1 milliard d’euros annuel pour la seule régénération des voies. Mais du côté de l’Etat, qui doit déjà reprendre la dette de la maison mère SNCF (35 milliards d’euros d’ici à 2022) dans le cadre du pacte ferroviaire voté en 2018, on temporise. Il faut pourtant soutenir le gestionnaire, car son modèle économique, fondé sur le péage réglé à chaque passage d’un train, a été perturbé par le Covid-19. Et ce n’est pas le relais de croissance promis par l’ouverture du marché à la concurrence, prévu dès janvier 2021 sur les lignes TGV, qui renflouera les caisses. Les prétendants ont tous mis le pied sur le frein !
Dans le même temps, l’exécutif continue de demander des efforts symboliques, comme l’arrêt du glyphosate. En interne, on estime que l’abandon du désherbant, dont la SNCF est sans doute le premier consommateur de l’Hexagone, équivaut à un surcoût de 500 millions d’euros par an. A cela, il faut ajouter l’entretien des ouvrages d’art (des centaines de ponts sur tout le territoire), dont l’Etat vient de confier la responsabilité à SNCF Réseau.
Ces injonctions contradictoires ne doivent pas occulter le travail de fond qui est mené, notamment en Ile-de-France, où se concentrent les critiques des usagers. D’ailleurs, avec la mobilisation des cheminots, « 95 % des travaux estivaux prévus avant le confinement ont été maintenus et réalisés », indique la direction de SNCF Réseau, qui ajoute que « le volume d’investissement de l’année 2020 s’élève à plus de 5,3 milliards d’euros ». Il n’en reste pas moins que la mission de Luc Lallemand s’annonce délicate. L’intéressé en a parfaitement conscience : cet été, en rencontrant les syndicats maison pour leur communiquer son « rapport d’étonnement », fruit de ses deux déplacements mensuels sur le terrain, il a relevé la dichotomie existant entre l’amour des chemins de fer et le manque d’apport financier. Et, pour lui, cette responsabilité, c’est avant tout celle de l’Etat.
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selon Dealogic, contre 13,6 milliards en 2019. Les plus grands noms du business et de la finance s’adonnent à ce nouveau sport : le gérant de hedge fund Bill Ackman a levé une enveloppe record de 4 milliards de dollars fin juillet, tandis que Gary Cohn, l’ancien n° 2 de Goldman Sachs et ex-conseiller économique de Donald Trump, a obtenu 600 millions de dollars fin août. Début octobre, le milliardaire Richard Branson a collecté 480 millions de dollars, une manne précieuse au moment où certaines de ses activités, telle la compagnie aérienne Virgin Atlantic, sont plombées par la pandémie. Le célèbre magazine masculin Playboy pourrait bien retrouver les plaisirs de la Bourse par ce biais. Il y a quelques jours, une Spac a proposé de prendre une part dans le groupe fondé par Hugh Hefner en le valorisant à 415 millions de dollars !
En France, Mediawan, la holding de Pierre-Antoine Capton, Xavier Niel et Matthieu Pigasse, a été la première Spac à frapper à la porte d’Euronext : elle a levé 250 millions d’euros en avril 2016 et a fusionné avec AB Groupe, une société de production audiovisuelle, dans le but de bâtir un leader européen. Si elle est la seule Spac française à ce jour, les lignes bougent en Europe. A Londres, l’investisseur Martin Franklin s’apprête à lancer un de ces ovnis financiers pour un montant de 750 millions de dollars. Si l’opération est couronnée de succès, la mode des Spac pourrait bien gagner le Vieux Continent dès cet hiver.
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à part entière. Exit les chevrons, les concessions DS doivent désormais, autant que possible, être séparées de celles de Citroën, et les vendeurs de la marque formés aux codes du luxe. « Notre pari, c’est de nous appuyer sur l’image du luxe à la française, et sur un design moins sérieux que ceux de nos concurrents allemands, plus latin », détaille la patronne de la marque, Béatrice Foucher. Et cela semble prendre. Les ventes commencent enfin à décoller, même si, avec 56 700 exemplaires écoulés en 2019, elles restent très modestes.
La technologie électrique, sur laquelle les constructeurs français sont bien positionnés, pourrait-elle rebattre les cartes ? « Cela pourrait changer le paradigme sur la motorisation », analyse Philippe Houchois. Reste que, en la matière, les Allemands ont déjà investi des milliards d’euros pour se mettre au niveau de l’américain Tesla, qui, lui, s’imagine bien régner en seul maître sur le segment. Pas sûr que le coq gaulois parvienne à mieux se faire entendre, coincé entre les deux puissances.
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