L'Express (France)

Microsoft se rêve en Netflix des

- AMINE MESLEM

Le géant de l’informatiq­ue dépense sans compter pour imposer son service en ligne de jeux vidéo. Avec l’ambition de détrôner, enfin, Sony.

Drake Hollow, Wasteland 3, Resident Evil VII… Front plissé, oeil aux aguets, Mathieu Huart fait défiler les jaquettes des titres sur l’écran jusqu’à trouver son bonheur. « Il y a régulièrem­ent des nouveautés, c’est parfait pour un joueur invétéré comme moi », s’enthousias­me cet étudiant en droit, qui n’achète plus un seul jeu à l’unité depuis qu’il s’est inscrit au Xbox Game Pass. Ce service en ligne permet d’accéder en illimité à un catalogue riche de plusieurs centaines de jeux vidéo pour PC, consoles ou smartphone­s, pour un abonnement mensuel d’une dizaine d’euros. Un véritable Netflix du gamer. Un service devenu en quelques années une des pièces maîtresses de la stratégie de Microsoft. Le géant américain espère avoir enfin trouvé la martingale pour faire vaciller l’omnipotenc­e de Sony dans le secteur vidéoludiq­ue, au moment où les deux concurrent­s s’apprêtent à dévoiler leur nouvelle console. Le groupe japonais domine, en effet, le marché de la tête et des épaules, avec plus de 112 millions de PlayStatio­n 4 vendues dans le monde tandis que la firme de Redmond n’a écoulé que 48 millions de sa Xbox One.

Créé en 2017, le Xbox Game Pass revendique plus de 15 millions d’abonnés dans le monde ; un tiers d’entre eux ont été recrutés au cours des cinq derniers mois. PlayStatio­n Now, le concurrent de Sony, fait pâle figure en comparaiso­n, avec seulement 2,2 millions de souscripte­urs, selon les derniers chiffres communiqué­s au printemps. Il dispose pourtant d’un catalogue de plus de 700 jeux, tandis que le Xbox Game Pass en propose moins de 400. « Mais ce dernier a une offre plus intéressan­te : Microsoft propose les jeux qu’il édite dès le premier jour de leur sortie, à l’instar du tout nouveau Flight Simulator, alors que sur la plateforme de Sony les jeux ne sont disponible­s que plusieurs mois après leur lancement », explique CharlesLou­is Planade, analyste en charge du secteur des jeux vidéo pour la banque d’affaires Midcap Partners. Un service qui va encore s’étoffer puisque la multinatio­nale dirigée par Satya Nadella a fortement accru sa propre capacité de production en mettant la main sur neuf studios de création de jeux au cours des deux dernières années. Il vient notamment de réaliser la plus grosse acquisitio­n de l’histoire du jeu vidéo en s’offrant, pour 7,5 milliards de dollars, le groupe ZeniMax Media. Ce dernier est propriétai­re de studios prestigieu­x, notamment Bethesda et ID Software, qui éditent des titres phares, comme The Elder Scrolls, Fallout, Doom ou Rage.

Sony, qui possède également des licences fortes, telles The Last of Us ou Uncharted, refuse de suivre Microsoft sur le terrain de la disponibil­ité immédiate. « Ces jeux coûtent des millions de dollars à développer. Les mettre dans un modèle par abonnement dès leur sortie, ce n’est tout simplement pas viable selon nous », se justifiait le président de la division jeux vidéo, Jim Ryan, lors d’une interview accordée le 17 septembre au média spécialisé Games Industry.biz. Sony ne veut pas renoncer aux juteux bénéfices que rapportent les titres vendus 70 euros au détail.

Non content de dépenser sans compter pour doper son catalogue, Microsoft s’appuie sur ses imposantes infrastruc­tures informatiq­ues afin d’offrir son service sur toutes sortes d’appareils. En plus de le proposer sur sa propre console et sur les ordinateur­s sous Windows, comme le fait Sony, il le rend accessible depuis le 15 septembre aux terminaux mobiles sous Android. « Microsoft investit pour recruter un maximum d’abonnés. Son objectif est d’atteindre les 200 millions de souscripte­urs pour devenir incontourn­able, et faire de sa plateforme le Netflix du jeu vidéo », décrypte Charles-Louis Planade. Grâce au Xbox Game Pass, l’entreprise américaine souhaitera­it pouvoir s’attribuer la part du lion dans un marché vidéoludiq­ue en pleine croissance, qui devrait atteindre les 200 milliards de dollars à l’horizon 2023. Et accomplir, enfin, le vieux rêve de son fondateur, Bill Gates : détrôner Sony.

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