Numérique, le miroir aux alouettes
LE NOUVEAU DÉSORDRE NUMÉRIQUE. COMMENT LE DIGITAL FAIT EXPLOSER LES INÉGALITÉS
BUCHET/CHASTEL, 272 P., 19 €. WWWWW
Professeur d’économie à l’université de Bordeaux, Olivier Babeau est un essayiste reconnu qui défend avec talent les valeurs libérales. Son dernier ouvrage, Le Nouveau Désordre numérique, est un véritable cri d’alarme à propos des conséquences de la diffusion du numérique dans notre vie quotidienne. Pour lui, une société s’organise autour de trois types de relations : l’échange, d’abord, qui, dans une économie de marché, est majoritairement de nature commerciale ; le lien strictement social ensuite, qui s’articule en général sur la profession exercée et sur le niveau de richesse ; l’accès à la connaissance enfin, qui repose sur le système éducatif et sur la circulation de l’information.
Pour Olivier Babeau, la promesse associée à la généralisation de l’usage des outils numériques était une amélioration globale du bien-être dans ces trois domaines. Cette généralisation devait en effet, en théorie, accroître la concurrence et donc favoriser les échanges, notamment grâce aux baisses de prix induites ; elle devait également élargir le champ des contacts possibles et donc enrichir les fréquentations de tout un chacun ; elle devait, enfin, mettre à la disposition de tous une masse considérable de savoir et donc permettre d’élever le niveau culturel de la population.
Or rien de tout cela ne s’est produit. La montée en puissance des Gafa a symbolisé l’instauration d’une économie de monopoles avec, comme conséquences, un recul de la concurrence et un accroissement des rentes. Simultanément, les gens ont eu tendance à s’isoler. Les inégalités se sont creusées dangereusement, entre le monde des centres-villes, connectés et aux revenus en pleine expansion, et le reste de la population, qui a du mal à utiliser le numérique et dont la vie est de plus en plus précaire. En outre, les messages qui circulent sur les réseaux sociaux traduisent une incroyable poussée de haine politique et de rancoeur sociale. Enfin, en ce qui concerne l’évolution du niveau des connaissances, loin de s’élever, il s’est littéralement effondré. Non seulement la tentation est grande de ne plus faire l’effort de mémoriser tout ce que l’on trouve instantanément sur Internet, mais les contrevérités y circulent au point que les résultats les plus solides obtenus par la science sont contestés et que l’idée de progrès est menacée.
Face à ce constat très pessimiste, Olivier Babeau, qui ne cache ni sa déception ni son désarroi, appelle à un sursaut qu’il qualifie de « spartiate ». Pour lui, il est urgent de retrouver le sens du respect de l’autre, l’envie d’apprendre et de comprendre, ainsi que la volonté d’agir plutôt que de subir. Voilà un livre utile car dérangeant, même si, parfois, on se prend à penser que l’auteur exagère.
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