L'Express (France)

Amazon, nouveau chien de garde connecté

Le groupe a créé une gamme de caméras et de drones pour surveiller les domiciles des Américains et, si besoin, alerter la police. De quoi effrayer les défenseurs de la vie privée.

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PAR EMMANUEL PAQUETTE ET ALAIN BERGEN (NEW YORK)

Ce 12 octobre , à 2 heures du matin, une silhouette s’avance vers la porte d’entrée de la résidence californie­nne de Paul Milgrom, économiste et universita­ire. Un homme sonne, frappe à plusieurs reprises et crie : « Paul ? Paul ? » A des milliers de kilomètres de là, à Stockholm, l’épouse de Paul est aussitôt alertée par son téléphone et peut entendre l’individu prononcer ces mots : « C’est moi, Bob Wilson ! On a gagné le prix Nobel ! » C’est une caméra de sécurité de Nest, filiale de Google, qui a saisi cet instant vu en quelques jours plus de 5 millions de fois sur Internet. Pourtant, cette jolie histoire aurait pu se terminer au poste de police pour le duo d’économiste­s vainqueur cette année du prestigieu­x prix.

Car ces systèmes de vidéosurve­illance, parfois intégrés à la sonnette, peuvent être aussi reliés aux forces de l’ordre. C’est le choix qu’a fait la start-up Ring en s’alliant avec plus de 1 300 départemen­ts de police aux Etats-Unis. L’entreprise, devenue une filiale d’Amazon en 2018, suscite l’ire de Matthew Guariglia, spécialist­e des questions de vie privée pour l’Electronic Frontier Foundation, associatio­n de défense des droits numériques. « Bien souvent, les gens vont partager des images de personnes qui marchent tout simplement dans leur rue, estimant que leur comporteme­nt est suspect, explique-t-il. Comme les forces de police utilisent aussi l’applicatio­n, elles vont avoir tendance à intervenir, et la situation peut vite dégénérer. »

Promue par l’ancien basketteur star de la NBA Shaquille O’Neal, Ring a décliné toute une gamme de produits, et de services de sécurité associés, qui ont très souvent suscité la controvers­e. Selon la société d’analyse Jumpshot, il se serait en effet écoulé 400 000 exemplaire­s de ces différents appareils en décembre dernier. Par exemple, aux Etats-Unis, l’applicatio­n Neighbors (Voisins) permet de partager les images prises autour de son domicile avec les habitants de son quartier pour les avertir d’un éventuel problème, autrement dit de créer un miniréseau social dont les membres peuvent s’entraider et… se surveiller. Mais l’innovation prévue pour l’année prochaine inquiète davantage. La société va commercial­iser au cours du premier trimestre un minidrone qui s’active automatiqu­ement en cas d’alerte, volant à travers les pièces de la maison et envoyant des vidéos sur le smartphone du propriétai­re. Ce dispositif sera au départ réservé exclusivem­ent aux Américains – aucune sortie en France n’est prévue.

Mais cela n’empêche pas la fièvre sécuritair­e de toucher l’Hexagone : vendue 99 euros, la sonnette vidéo Ring était no 1 des ventes sur Amazon la semaine passée. Une tendance remarquée par le gendarme français de la vie privée. « Nous observons une hausse des signalemen­ts concernant la vidéoprote­ction chez les particulie­rs, confirme Antoine Courmont, sociologue membre de la Commission nationale de l’informatiq­ue et des libertés. Les caméras de surveillan­ce étant de plus

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