Place au magasin sans contact
Les boutiques multiplient les solutions pour limiter les interactions physiques. Un phénomène qui accélère le développement des nouvelles technologies. et si le point de vente du futur était déjà là?
os Angeles, Woodland Hills. L’endroit ressemble à un supermarché traditionnel. Mary, 36 ans, entre en scannant son smartphone à une borne. Elle saisit un chariot vert, y pose une bouteille de lait, un sachet de tomates et un paquet de gâteaux. Plus loin, elle s’adresse à voix haute à un boîtier à qui elle demande le rayon « fromages ». Elle s’y dirige, se sert, avant de ressortir du point de vente quelques minutes plus tard. La jeune femme vient de faire ses courses, sans parler à un vendeur ni passer par la caisse. Ouvert début septembre, ce magasin Amazon Fresh – truffé de technologie – est l’un des supermarchés sans contact les plus aboutis dans le monde. Dans ce contexte de distanciation sociale, d’aucuns pourraient considérer la solution comme idéale…
Car les inquiétudes sont toujours très vives, près de la moitié des consommateurs craignant d’attraper le Covid-19 quand ils font leurs courses. Pourtant, 47 % d’entre eux préfèrent pouvoir toucher, sentir et essayer le produit en magasin, selon une étude Mood Media. Comme Laila, 40 ans, directrice opérationnelle dans une société francilienne – et férue de mode –, qui continue à aller en boutique, « notamment pour les vêtements, car j’aime bien les voir, les toucher », explique-t-elle. Alors, pour donner envie à leurs clients de venir chez elles et de s’y sentir en sécurité, les enseignes multiplient les initiatives.
LEt celles-ci ne se limitent pas au gel disponible à l’entrée, au masque obligatoire ni même au paiement sans contact – qui a bondi de 60 % entre juillet 2019 et juillet 2020, selon la Banque de France. « On est passés du paiement sans contact au commerce sans contact », annonce Rodolphe Bonnasse, président de CA Com, groupe de communication consacré au retail. « Le coronavirus incite les consommateurs à passer moins de temps en magasin », renchérit Vincent Lenglet, responsable marketing chez Monext, spécialiste dans le traitement des transactions électroniques.
Vendeurs connectés, QR code à générer, essayage en réalité virtuelle ou augmentée… « On observe un déploiement de technologies qui existaient déjà », analyse Gary Guillier-Marcellin, fondateur de 2GM Consulting, société de conseil en digitalisation du point de vente. Dans la nouvelle boutique Nike des Champs-Elysées, à Paris, on peut ainsi désormais scanner soi-même ses sneakers avec son smartphone – via l’appli –, payer et sortir sans passer par la caisse. Chez Zara, une application permet de réserver en ligne une cabine en boutique, histoire d’éviter la file d’attente avec les autres clients. Mango et Etam – comme Victoria’s Secret, H&M ou encore Rebecca Minkoff – expérimentent les cabines connectées. Principe : en scannant une étiquette depuis le miroir, on peut demander à un vendeur d’apporter une taille ou une couleur différente. Autre dispositif, mis au point par la start-up française Veertus : après avoir paramétré ses préférences et mensurations dans cette application, le client scanne le code-barres d’une référence et peut l’essayer virtuellement sur son smartphone. Autant de services qui transforment le magasin en « espace sensoriel, où les points de friction, comme l’attente et le paiement, sont invisibles », poursuit Rodolphe Bonnasse.
De là à voir Amazon Fresh débarquer en France ? Deux magasins 100 % sans contact viennent de sortir de terre : Boxy, conçu par une start-up, et Black Box, imaginé par le groupe Casino, permettent à un client d’acheter des produits en toute autonomie. Des concepts encore très marginaux, néanmoins. « Les freins, réglementaires et idéologiques, sont nombreux », tempère Gary Guillier-Marcellin. Et Vincent Lenglet d’abonder : « Acheter dans un commerce de proximité est un acte social. » Encore plus dans un pays où l’on reste très attaché à l’échange humain.
Se maquiller à distance
A Times Square (New York), la marque de maquillage Cover Girl propose d’essayer en réalité augmentée rouge à lèvre, fard à paupières, blush et fond de teint, puis de partager les essais virtuels avec ses proches.
Essayer sans toucher
En Corée du Sud, LG a mis au point une cabine d’essayage avec le miroir connecté, ThinQ Fit, qui crée le double numérique d’un client à partir de ses mesures… et lui permet ainsi d’essayer virtuellement des vêtements.