La crainte d’un bain de sang social
La numérisation d’une partie des activités et les changements de comportements des clients amènent la plupart des établissements à réduire la voilure de leur réseau.
Dans le hall d’entrée de l’immense siège Arts déco de BNP Paribas, boulevard des Italiens, à Paris, le temps semble ne pas avoir de prise. Opulence discrète, voix feutrées, employés tirés à quatre épingles. En apparence, les affaires tournent, comme insensibles au brouhaha des tempêtes extérieures. Quoique. Ce mardi 13 octobre, quelques indices, ici ou là, montrent que cette journée n’est pas vraiment comme les autres. L’ensemble des organisations syndicales, à l’exception de l’Unsa, appelle à la grève les salariés du groupe. C’est la deuxième fois en l’espace de deux ans. « Du jamais-vu depuis les années 1980 », souffle un délégué CFDT.
Mauvais genre, dans la première banque française. En cause, un plan mené tambour battant par la directrice des réseaux France, Marguerite Bérard, sobrement baptisé « Etre là pour nos clients ». L’intitulé même du projet interroge. En province, dans les agences, la colère gronde. Dans la région Hauts-de-France, pas loin d’une dizaine de succursales gardent porte close ce jour-là. Pour la direction, il s’agit d’harmoniser la centaine d’horaires d’ouverture des agences pour mieux les caler sur la fréquentation des
Evolution des effectifs du secteur bancaire 2017 2018 2019 clients. Pour les syndicats, c’est une nouvelle restructuration de la banque de détail qui est en jeu. « Nous sommes sur un rythme d’une soixantaine de fermetures d’antennes chaque année », poursuit le syndicaliste. La chasse aux coûts ne touche pas uniquement le réseau mais aussi les filiales de la vénérable banque. Chez BNP Paribas Securities Services, spécialisée dans la gestion de titres, un plan de départs volontaires (PVD) portant sur 550 postes, soit 20 % des effectifs, est en cours. D’après nos informations, 143 jobs pourraient aussi être concernés par un autre PVD chez BNP Paribas Asset Management.
La banque du boulevard des Italiens est loin d’être le seul groupe où le climat social vire à l’orage. La Société générale, elle, devrait boucler au premier semestre prochain un vaste plan de restructuration de son réseau entamé il y a quatre ans, qui devrait se solder par 400 agences et 3 450 emplois de moins. Et la direction planche déjà sur une fusion avec le Crédit du Nord, qui pourrait encore conduire à la disparition de centaines d’antennes. La numérisation d’une partie des activités et les changements de comportements des clients amènent la plupart des établissements à réduire la voilure de leur gigantesque (le plus gros d’Europe !) réseau. Dans l’ensemble du monde bancaire français, le nombre d’agences a fondu de 6,5 % depuis 2009, d’après la Fédération bancaire française. Sur le seul champ des banques privées (hors mutualistes), les effectifs ont diminué de 8 % depuis 2012.
Une broutille par rapport à l’hémorragie qui frappe le secteur à l’étranger. Le groupe britannique HSBC prévoit la suppression de 35 000 emplois sur les trois prochaines années, ce qui en ferait un des plus gros plans sociaux du monde. Deutsche Bank envisage la fermeture d’1 agence sur 5 outre-Rhin, soit 18 000 emplois, d’ici à 2022. Presque la moitié du réseau de Handelsbanken, une des plus importantes banques suédoises, devrait disparaître, ainsi qu’un tiers des agences de la britannique TBS, 500 au moins pour la National Westminster Bank, la plus grande banque de détail outre-Manche. Quant aux effectifs de Bank of Ireland, ils devraient être réduits de 10 %. Dans l’ensemble de l’Europe, le nombre d’agences a chuté de 30 % en une décennie.
En comparaison, la France ferait presque figure de havre. « Une spécificité qui s’explique par le poids des banques mutualistes, qui pèsent pour quasiment les deux tiers de la banque de détail et où le contrat social est très fort », explique Nicolas Taufflieb, directeur général du cabinet Alvarez & Marsal. Mais pour combien de temps encore ? Depuis la fin