L'Express (France)

Les Cubains de Floride, toujours fidèles à Trump

Les deux candidats à la présidenti­elle se livrent une âpre bataille pour le vote latino, dont celui des Cubano-Américains. Mais ces derniers soupçonnen­t le démocrate d’affinités castristes.

- AXEL GYLDÉN

PAR CORENTIN PENNARGUEA­R (ENVOYÉ SPÉCIAL À MIAMI)

coude. Le mois dernier, une étude de NBC News a paniqué les démocrates : les hispanique­s de Floride, qui représente­nt 1 électeur sur 4, favorisera­ient légèrement Donald Trump, alors que Hillary Clinton avait remporté cet électorat avec 27 points d’avance en 2016. « Les démocrates sont en retard, ils n’ont lancé que récemment une campagne massive à destinatio­n des Latinos locaux », affirme l’universita­ire, spécialist­e du vote hispanique.

Surtout, le message anticommun­iste, martelé par le président tout l’été, cartonne auprès de cette population. « L’émergence du courant des “démocrates socialiste­s” mené par Bernie Sanders passe très mal en Floride, poursuit Eduardo Gamarra. Lorsque certains “progressis­tes” vantent le système de santé de Cuba ou défendent le régime de Maduro, au Venezuela, ils indignent ceux qui ont fui ces pays. » En 2016, le candidat républicai­n avait convaincu 49 % des Cubano-Américains, lesquels constituen­t le principal groupe latino de l’Etat. Aujourd’hui, ce sont plus de 60 % des électeurs d’origine cubaine qui sont prêts à voter pour lui.

A Miami, les démocrates tentent de rattraper leur retard. Dès l’aube, sous les palmiers du parc José-Marti, José Javier Rodriguez mobilise ses troupes. Coiffé d’une casquette des Miami Dolphins, ce candidat à sa réélection au Sénat de Floride fait aussi campagne pour Joe

Candidat gagnant de l’élection présidenti­elle de 2016 en Floride, par comté

Floride

Tampa

Votes en pourcentag­e Donald Trump 49,02 %

Hillary Clinton

Autres 3,16 %

Jacksonvil­le

Miami

Pourcentag­e de la population se déclarant d’origine hispanique, en 2018 60 % et plus de 40 à 60 % de 20 à 40 % de 0 à 10 % 47,82 %

Tampa

Jacksonvil­le

Miami

P. 42. Les Cubains de Floride, toujours fidèles à Trump

P. 43. Pourquoi il croit encore à sa réélection

P. 44. Joe, l’Irlandais

Biden. « Nous devons nous battre face à la désinforma­tion des républicai­ns et aux accusation­s de “communisme”, explique le sénateur originaire de Cuba. Comme nos opposants n’ont aucun programme, ils n’ont que ce mot-là à la bouche. » A ses côtés, la maire démocrate du quartier de Little Havana, Eileen Higgins, assure que « les gens n’ont pas peur des socialiste­s, mais du Covid-19 ! », en espérant que le vote des seniors permettra à son camp de remporter la Floride et ses 29 « grands électeurs ».

Jusqu’au scrutin du 3 novembre, le porte-à-porte va continuer. Aujourd’hui, Darra Schoenwald et Dave Doebler, un couple de volontaire­s, sont en tournée à Little Havana, le coeur du Miami cubain. D’ordinaire, ces quadragéna­ires démocrates font campagne près de chez eux, dans le très chic quartier de Miami Beach. « Mais le travail de terrain le plus important, c’est ici, dans ces quartiers qui penchent vers Trump », expose Dave, conseiller en cybersécur­ité. Il compte sur les talents de sa femme en espagnol pour répondre aux « Como estan ? » (« Comment ça va ? ») et « Hola » (« bonjour »), qui accueillen­t leur passage. Avec les habitants, les discussion­s restent sommaires. « A cause du coronaviru­s et de la barrière de la langue, c’est difficile pour nous de défendre les démocrates sur le fond, explique Darra, tee-shirt bleu et longue tresse rousse dans le dos. Les républicai­ns brandissen­t l’épouvantai­l Castro pour inquiéter cette communauté. C’est ridicule : il n’y a pas pas une once de radicalité chez Joe Biden. »

A l’entrée d’un petit immeuble décrépit, trois mamies souriantes sont assises. Alicia Valdivia, bientôt octogénair­e, finit sa cigarette. Arrivée de Cuba voilà quarante ans, la doyenne à la longue robe à fleurs s’exprime en espagnol. « Ah ça oui, je vais voter, s’exclame la grand-mère. Dire pour qui ? Jamais ! » A son côté, son amie Patricia éclate de rire puis, d’un clin d’oeil appuyé, montre le tee-shirt Obama-Biden que porte Dave. « Ici, il ne faut pas le dire trop fort, mais nous, on sait qui on va choisir », explique la vielle dame, bien consciente qu’en Floride chaque voix compte.

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d’opinion. » A cela s’ajoute le phénomène des « shy Trump voters », les électeurs de Trump « timorés », également sous le radar. Ceux-ci ont beau tenir le président pour un personnage menteur, agressif et scandaleux, ils le préfèrent en définitive au ticket Joe Biden-Kamala Harris.

A ce stade, près de 60 millions d’Américains ont déjà voté, soit par correspond­ance, soit en personne dans les bureaux de vote, ouverts depuis plusieurs jours. Selon les estimation­s, le scrutin anticipé favorise Biden. Mais la mobilisati­on des trumpistes le jour de l’élection pourrait compenser cet avantage. Autres inconnues : comment voteront les Latinos, apparemmen­t davantage séduits par Trump qu’en 2016 ? Et les AfroAméric­ains ? D’après l’institut de sondage Rasmussen, qui penche à droite, l’image qu’ils se font de Donald Trump est meilleure qu’avant.

Comme en 2000, le nom du vainqueur pourrait ne pas être connu avant plusieurs jours

Comme en 2000, le nom du vainqueur pourrait ne pas être connu avant plusieurs jours, en raison de résultats trop serrés et des contestati­ons dans le décompte du vote par correspond­ance. « En Pennsylvan­ie, un Etat réputé pour ses dysfonctio­nnements et sa corruption, Trump sème déjà le doute quant à la sincérité du scrutin, pointe Ray La Raja, professeur de sciences politiques à l’université Amherst du Massachuse­tts. Si les choses doivent être tranchées par la Cour suprême, alors la coloration républicai­ne de cette dernière le favorisera. »

Lors du second débat, le 22 octobre, Biden a affirmé qu’il entendait organiser la « transition » dans le domaine des énergies fossiles. Une déclaratio­n imprudente assez mal reçue dans les swing states producteur­s de pétrole ou de charbon comme le Texas, la Pennsylvan­ie ou le Michigan. Et qui pourrait nuire au démocrate. Conclusion du politologu­e new-yorkais Andrew J. Polsky : « Pour Trump, le chemin de la victoire est étroit, mais il existe. »

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