Une femme contre l’armée
Fille de Premier ministre, Maryam Nawaz Sharif veut chasser du pouvoir Imran Khan, qu’elle accuse d’être aux mains des militaires.
« Comme Benazir en son temps, Maryam fait preuve de courage pour percer dans ce pays où règne une société ultra-patriarcale, y compris au sein des familles les plus privilégiées », observe Asma Faiz, professeure de sciences politiques à l’université de Lahore.
Pour autant, les deux femmes ont peu de choses en commun. Benazir Bhutto avait pris les rênes du Pakistan à 35 ans, après avoir vu son père, Zulfikar Ali Bhutto, lui-même ancien Premier ministre, pendu sur ordre de la dictature militaire. Diplômée en littérature, Maryam Nawaz n’est, elle, descendue dans l’arène qu’en 2012, à l’âge de 38 ans, lorsque son père lui a confié la direction de sa campagne électorale, qui l’a mené au pouvoir l’année suivante, pour la troisième fois de sa carrière. « Maryam n’a connu qu’une vie tranquille de femme au foyer consacrée à sa famille, remarque Asma Faiz. Sa mère, Kulsoom, lui avait toutefois montré la voie : en 2007, elle avait pris la tête de la résistance à la loi martiale instaurée par le général Moucharraf. »
Certes, Maryam a connu l’exil quand son père a été évincé par le coup d’Etat de 1999. Mais, dans un acte politique fort, elle a réussi à faire élire sa mère députée en 2017, à la place de son père, Nawaz, lorsque celui-ci, éclaboussé par le scandale des « Panama papers », fut jeté en prison. Maryam a elle-même été compromise dans cette affaire, soupçonnée par la justice d’avoir effectué des placements d’argent offshore ayant permis à sa famille d’acquérir des appartements de luxe à Londres. Condamnée à sept ans de réclusion pour fraude fiscale, elle a été incarcérée, avant d’être libérée sous caution en septembre 2019. « Au Pakistan, on n’est pas un vrai leader si on n’a jamais été emprisonné. Etre condamné permet de dire au peuple que l’on est victime d’un système », fait-on remarquer avec sarcasme dans les milieux diplomatiques. De ce point de vue, Maryam Nawaz est sans doute promise à un grand avenir.
A moins que l’armée ne reprenne l’initiative et ne demande à sa « marionnette » de calmer le jeu. Menacé, Imran Khan s’est en effet lancé dans une chasse aux sorcières effrénée à l’égard de l’opposition. « En cas de refus de sa part, l’état-major pourrait rapidement lui trouver un remplaçant », pronostique Rana Banerji, ancien fonctionnaire du renseignement indien au Pakistan.
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