L'Express (France)

Virus et décapitati­on

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a violence est un virus qui n’a pas besoin de chauvesour­is pour se transmettr­e, elle est en chacun de nous, se refile et mute à l’intérieur de ces clusters que sont le couple, la famille, les amis qui se retrouvent dans les écoles, les ateliers, les réseaux, partout, et jusque dans les temples de paix que sont les synagogues, les églises, les mosquées. Pas difficile de trouver le patient zéro à l’origine de la violence ; c’est moi, possibleme­nt. Pas de vie sans violence, elle est au commenceme­nt de tout, avant le Verbe. Ceux qui s’imaginent la combattre avec des menaces infantiles – « la peur va changer de camp » (Macron), « la sidération va changer de camp » (Darmanin), « il faut terroriser les terroriste­s » (Pasqua) – en sont les propagateu­rs les plus actifs. Pas de solution finale à la violence. Si elle est bien au commenceme­nt de tout, inutile d’en chercher l’origine, par exemple dans les religions – « les religions sont source de violence », est-il communémen­t admis. Ben non, l’Histoire en témoigne autant que le bon sens, c’est l’inverse qui s’est passé

Let se passe. Les religions tentent depuis des millénaire­s de contenir la violence, en l’épuisant par des artifices, des sacrifices, des rites cathartiqu­es, en la racontant par le Livre, et ça ne marche que ponctuelle­ment. Quant aux guerres de religions, ce sont les humains qui les font, quand leur violence, une fois de plus, prend le dessus, que le naturel revient au galop, c’est le retour du refoulé, appelez ça comme vous voulez.

ne petite cancre qui devient première de sa classe en délation, un père qui venge la nullité de sa gamine, un iman qui se prend pour le seigneur du dark Web, et, au carrefour de ces ambitions lamentable­s, un coupeur de tête qui se charge de l’effet de réalité. Le scénario tient debout tout seul. Surtout, n’inventez rien. Le film ne consolera personne, il n’est pas fait pour. Il en gardera la mémoire. Et c’est le triomphe du cinéma, la religion qui les contient toutes.

On pourrait fermer les mosquées parce qu’on y raconte n’importe quoi, fermer les synagogues parce qu’elles attirent les ennuis, fermer les églises parce qu’elles ne servent plus à rien, on pourrait fermer tout ce qui peut être fermé, les boutiques, les stades, les transports, on pourrait fermer la nuit, le jour, la mer et la montagne et couper le téléphone, la violence serait encore là, entre Dora et moi, en concentré primitif, sous forme de « si ça continue comme ça, ton putain de lave-vaisselle, je le balance par la fenêtre ». Encore un drame, ce matin : elle avait mis dans son grand sac à main en cuir rouge, magnifique, de je ne sais plus quelle marque, un sachet contenant une dose de produit hydroalcoo­lique qui, sous le poids des bouquins ou à cause du portable, a éclaté, et le liquide s’est répandu au fond du sac, traversant le cuir rouge magnifique pour y laisser une auréole rédhibitoi­re, et une autre sur le parquet. Niqué le sac, niqué le parquet. C’est quoi, ce désinfecta­nt ? Avec quoi on s’immunise ?

Uls ravalent l’immeuble, en face de chez moi. Le couvreur, seul sur le toit, porte un masque chirurgica­l, bien comme il faut, jusque sous les yeux. Il va, il vient entre les cheminées et les vasistas, dans un état de distanciat­ion absolu et vertigineu­x

– de quoi se protège-t-il, avec ce masque, sinon de l’entorse au règlement ? A midi, il ne l’a toujours pas quitté, sauf pour répondre au téléphone. Ce qui m’a rappelé cette histoire qu’on se racontait au temps du sida.

C’est un type qui dit à l’autre :

« Moi, pour pas choper l’das, j’ai la solution.

J’enfile la capote et je ne la quitte plus.

– Vingt-quatre heures sur vingt quatre ?, s’étonne l’autre. – Ah ouais !

– Mais comment tu fais pour pisser ?

– Arrête ! J’suis pas con, je la retire pour pisser et pour baiser. »

IChristoph­e Donner, écrivain.

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