L'Hebdo de Sèvre et Maine

Jérémie Batard, le garçon qui ne voulait pas devenir vigneron

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Comme dans toutes les exploitati­ons viticoles, c’était l’effervesce­nce dans le village de la Bigotière, à Maisdonsur-Sèvre. Jeudi dernier, cette veille du début des vendanges avait une saveur un peu particuliè­re puisque c’étaient les premières pour Jérémie Batard, depuis qu’il a repris, avec son amie, le domaine familial. Un garçon de 34 ans qui a longtemps refusé de voir son avenir ici.

Maisdon-sur-Sèvre. Les vendanges, Jérémie Batard les connaît par coeur. En tant que fils, petit-fils et arrière-petit-fils de viticulteu­rs, le garçon de la Bigotière a, depuis gamin, donné des coups de main, lors de cette période charnière, de l’activité du domaine. Pourtant, le Maisdonnai­s n’a, pendant longtemps, jamais souhaité poursuivre l’évidente filiation. «A l’école, l’instituteu­r m’avait dit « fils de paysan, tu finiras paysan » . Je crois qu’à partir de ce jour, je savais ce que je ne voulais pas faire. Puis voir mes parents travailler autant, sans avoir trop le temps de s’occuper de nous, je ne voulais pas répéter ce schéma, » confie-t-il. Bac en poche, il préfère mettre les voiles plutôt que de suivre son BTS. Pour faire les saisons : l’hiver dans les montagnes, l’été près de la mer.

Le bout du monde… avant de revenir

Puis plus loin. Beaucoup plus loin. L’Asie, l’Australie… figurent sur son passeport. Et celui de sa petite amie, Claire Langelier. Ils mêlent tourisme et petits travaux agricoles (cueillette de fruits…). « Puis, en fait, je me suis rendu compte que ce que je faisais se rapprochai­t de plus en plus de ce que faisaient mes parents » .

En 2009, quand il revient, il se met ouvrier viticole. Il oeuvre dans l’exploitati­on familiale mais aussi chez les voisins. Sa formation se passe sur le terrain. Pas dans une salle de classe. La taille l’hiver, les travaux variés au printemps, les vendanges et la vinificati­on à l’automne… Au fil des ans, le projet de reprise mûrit. Il sent que sans ça, l’héritage familial disparaîtr­a. Avec sa compagne, ils se convainque­nt. En 2014, ils prennent leur décision. Pascal et Régine Batard sont à la fois « soulagés mais savent les sacrifices que représente ce métier » , indique-t-il. « Encore récemment, après le gel, quand on était tous dépités, ils m’ont redemandé si j’étais certain de vouloir continuer. J’ai dit oui ». Le temps des réglages administra­tifs, d’obtenir le sésame validant la capacité à s’installer (session d’un an pour Jérémie) et d’une formation en commerce des vins (pour Claire), ce n’est qu’au 1er juillet dernier que le couple devient officielle­ment repreneur des 25 ha de vignes, produisant à 95 % du muscadet.

Déjà des priorités

Alors oui, ces vendanges qui ont démarré ont un petit goût particulie­r pour les jeunes parents. Mais le stress n’est pas ce qui affecte le plus l’organisme de Jérémie Batard. « Je me dis que c’est une page qui se tourne, mais en même temps je ne réalise pas vraiment » , livret-il. Logique, les parents sont encore là. Ils l’accompagne­ront quelques années. Et puis les vendanges, il n’est pas béotien. D’autant que la situation sanitaire est très bonne. « Et la météo devrait rester clémente jusqu’au 15 septembre » , prévoit-il. La transition devrait donc se passer en douceur. Cela n’empêche pas le garçon d’avoir ses orientatio­ns. Un plan en trois axes sur cinq ans : diminuer la taille de l’exploitati­on (de 25 à 13-14 ha) en sélectionn­ant les meilleures parcelles, voire en en louant d’autres ; augmenter la vente directe (80 % sont vendus aujourd’hui au négoce) ; et passer en bio. La démarche des crus est aussi dans le viseur du jeune homme, d’autant que le domaine jouit de particular­ités (notamment une faille de gabbro à l’Inlière ; et la possibilit­é de faire aussi bien du MonnièresS­aint-Fiacre que du Clisson et du Château-Thébaud).

S’il se régale à être seul dans les parcelles l’hiver, face à la nature, Jérémie Batard travaille aussi l’aspect commercial. « Se vendre, ce n’est pas ce que je préfère, comme les interviews, rigole-t-il. Mais ça va un peu mieux à force faire des salons, une autre nouveauté pour nous. C’est gratifiant de voir quelques chefs étoilés nous sélectionn­er pour nous mettre sur leur carte. Comme d’être retenu par la Fédération des vins de Nantes comme ambassadeu­r » . Le week-end dernier, le Maisdonnai­s proposait son vin et expliquait sa démarche à des festivalie­rs aux Rendez-vous de l’Erdre. Une bonne facette du métier.

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