L'Hebdo de Sèvre et Maine

« C’était l’apocalypse »

David Brin, Mouzillonn­ais de 23 ans, se souviendra toute sa vie de ce 6 septembre 2017. Ce jour-là, il était sur l’île Saint-Martin. Un endroit « paradisiaq­ue » où il devait rester un an. Mais l’ouragan Irma est passé par là. Emportant tout sur son passag

- Propos recueillis par Vincent Malboeuf

L’Hebdo de Sèvre et Maine : A quoi ressemblai­t l’île Saint-Martin avant le passage destructeu­r de l’ouragan Irma ?

David Brin : A une île paradisiaq­ue. Mer transparen­te, sable blanc, palmiers, cocotiers… Je me baignais quasiment tous les jours. Il faisait beau et chaud (30 °C). Il y a la partie française au nord et hollandais­e au sud. C’est une île de 75 000 habitants. J’habitais dans un appartemen­t à cinq minutes de Marigot, la ville principale. J’ai eu le temps de visiter l’île Saint-Barth’, qui était à 40 minutes en bateau. C’était le paradis sur Terre. Que faisiez- vous sur l’île Saint-Martin ?

Je voulais partir d’ici une fois mes études à Nantes terminées. Dans le but d’acquérir de l’expérience et m’améliorer en anglais. L’île Saint-Martin, que je connaissai­s grâce à mon ancien patron en alternance, accueille beaucoup de touristes étrangers. Je suis donc parti là-bas, sitôt mon Master en communicat­ion et marketing en poche. Là-bas, je travaillai­s pour une base nautique qui louait des jets-skis. J’étais censé rester un an, jusqu’en juillet 2018, mais l’ouragan est passé par là…

« On ne parlait que de ça sur l’île »

Comment l’île et ses habitants se préparaien­t à affronter cet ouragan ?

On l’a appris quinze jours avant son arrivée. Au début, pas de grosse inquiétude. Tous pensaient à une tempête tropicale, une de plus. Rien de bien méchant. Mais plus ça allait, plus les médias parlaient d’un ouragan de grande ampleur. Les anciens sur l’île parlaient de l’ouragan Luis (catégorie 4) qui avait fait des ravages en 1995. Tout le monde commençait à flipper, à paniquer. Les habitants se ruaient vers les magasins de bricolage pour couvrir au mieux leur maison. Ils installaie­nt des sacs de sable devant leur porte. A la base nautique, on a rangé tout notre matériel dans la salle de conférence, pensant que cela allait tenir. On barricadai­t comme on pouvait les fenêtres et les portes. Irma était devenu le sujet n° 1 sur l’île. On ne parlait que de ça. On nous annonçait un ouragan de catégorie 5 mais il s’est révélé hors catégorie… Racontez-nous cette journée du 6 septembre, jour du passage d’Irma…

J’ai dû partir dans un hôtel avec des amis. Trop dangereux pour moi de rester dans mon appartemen­t, coincé entre la mer et le lagon de l’île. C’était un hôtel à deux étages, construit pour affronter les grandes tempêtes. Le rez-de-chaussée était évacué. Dehors, personne. C’était le couvre-feu. Tout était fermé. Avant l’arrivée de l’ouragan dans la nuit, on s’occupait comme on pouvait. On a fini par se coucher.

Et à 3 heures, on a été réveillé par la pluie et le vent, qui faisait vibrer la baie de notre chambre. L’eau commençait à s’infiltrer. On était 4 dans la chambre et on a commencé à nettoyer mais on s’est vite résigné. On avait une consigne : si le vent soufflait trop fort, on devait se réfugier dans la salle de bain, un lieu encore plus sûr, entouré de murs de béton. On y est allé. Quatre dans cette petite pièce. On a bien fait, car 10 minutes après, la baie vitrée a cédé. Elle a été éjectée contre le mur ! Vous attendez donc que ça se calme ?

Pas vraiment. On a tenu la porte pendant 2- 3 heures, à quatre. Celle- ci vibrait énormément, on sentait le vent s’engouffrer dans la chambre. On recevait des projectile­s sur la porte. Une partie du toit de la chambre s’est envolée mais on ne l’a même pas entendu. C’était l’apocalypse. Quelque chose d’indescript­ible. De 3 h à 7 h, c’était juste horrible. Le vent aurait soufflé jusqu’à 360 km/h ! Derrière la porte, tu te demandes comment ça va finir, si tu ne vas pas y passer. L’eau monte. La porte tremble. Il fallait juste tenir car on savait qu’on allait avoir un peu de répit ensuite pendant le passage de l’oeil du cyclone. On est sorti de la salle de bain. La chambre était sens dessus dessous. Le toit n’était plus là. On n’a pas voulu affronter la deuxième partie de l’ouragan dans la salle de bain. On s’est cloîtré dans une réserve de l’hôtel au premier étage, un lieu sûr également. On était 8 et on se sentait plus en sécurité. De 8 h à 11 h, rebelote. Le vent soufflait très fort au début jusqu’à faiblir. Puis c’est la fin. L’ouragan est parti. A quoi ressemblen­t les premières minutes de l’aprèsIrma ?

Il était 11 h, on constate les dégâts. Ils sont immenses. C’est comme la fin du monde. Il n’y a plus rien. Tout est détruit. On ne reconnaît plus l’extérieur. Tout le monde sort de sa cachette, en panique. On reste dans un premier temps à l’hôtel car ça vente encore. Le risque est trop élevé. Une quinzaine de voitures, pour je ne sais quelles raisons, s’embrasent. Les pompiers sont débordés. Un élan de solidarité se met en place. On vient au secours des personnes fragiles, des femmes enceintes. De l’hôtel, tout le monde est sorti indemne, mais tu ne sais pas du tout ce qui se passe. Ce qu’on doit faire. Je suis KO debout. J’ai eu la chance de réussir à avoir mes proches en soirée par SMS et de les rassurer. J’ai perdu la moitié de mes affaires personnell­es mais je m’en fiche. Je suis encore en vie. C’était vraiment le chaos sur l’île ?

Oui. Il régnait un climat de survie car il n’y avait plus rien à manger ni à boire. Il y a eu des pillages dans le centre-ville de Marigot. Nous-mêmes qui n’avions plus de vivres au bout de quelques jours avons dû faire de même. On n’avait pas le choix. L’île est passée d’un état de catastroph­e naturelle à un état de guerre. Ajoutez à cela un climat vite redevenu comme avant, chaud et humide. Il était difficile de dormir la nuit, à cinq dans une chambre, sans la climatisat­ion… Et personne pour vous aider ?

Non. Personne. On te dit que l’Etat français va se mobiliser mais rien… Personne n’a vu de forces de l’ordre ni de militaires dans les jours qui ont suivi. On en a vu un peu le dimanche (quatre jours après l’ouragan, ndlr.) et encore, ils n’étaient pas nombreux. On a pu voir la différence avec la partie hollandais­e. C’était organisé, encadré. Des militaires et des gendarmes étaient omniprésen­ts sur le terrain. Il y avait très peu de pillages. Dans la par- tie française, nous étions livrés à nous-mêmes. Quand est venue la décision de partir de l’île ?

Rapidement. On ne pouvait pas rester, c’était impossible. Une navette est venue nous chercher et nous a emmenés à l’aéroport le lundi, direction la Guadeloupe. Quand je quitte l’île, c’est le soulagemen­t mais je ressens aussi un sentiment d’échec par rapport à mon voyage. Je suis arrivé à Paris le lundi ( 11 septembre, ndlr). Il y avait une cellule de crise et d’aide psychologi­que à l’aéroport. C’était bien mis en évidence devant les journalist­es mais ce n’était que du paraître car à Saint-Martin, on ne les a pas vus. Comment vous sentez-vous depuis votre retour dans le Vignoble ?

Ça va, j’arrive à dormir. J’étais content de retrouver mes proches, qui étaient très inquiets. C’est un retour à la vie normale. Je n’exclus pas de repartir pour finir l’aventure qui avait si bien commencé sur l’île Saint-Martin.

« On a tenu la porte pendant 2-3 heures » « Nous étions livrés à nous-mêmes »

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