Levothyrox : « On est des cobayes »
Habitante du LorouxBottereau, Marie-Thérèse Manière est victime des effets indésirables de la nouvelle formule du Levothyrox, ce médicament qui supplée la thyroxine, hormone naturellement produite, quand elle n’est plus suffisamment secrétée. Tremblements, crampes, bouffées de chaleur, diarrhée…, les symptômes empoisonnent la vie de cette femme de 69 ans. Qui pousse un vrai cri d’alarme. Elle a signé la pétition et s’apprête à porter plainte.
Loroux- Bottereau. « Pour moi, tout ça, c’est une histoire de gros sous » . MarieThérèse Manière garde le peu de force qui lui reste en cette fin de semaine pour « balancer » . Vingt-quatre heures auparavant, elle était totalement amorphe. « Une des pires journées depuis le printemps quand j’ai commencé à prendre le nouveau Levothyrox » , lance celle qui regarde ses mains encore tremblotantes. « Je suis restée avachie sur mon canapé toute la journée. Je n’avais aucune force. Je ne pouvais pas marcher. J’avais des tremblements, des nausées et des bouffées de chaleur. Un cauchemar. Et je vous passe les détails sur les selles… » Un état qui a même effrayé son fils. « On a failli appeler les urgences » , ajoute-t-elle presque en pleurs. Elle ne pouvait pas grimper l’escalier qui mène à sa chambre.
Ce jeudi, la dame de 69 ans récupère. Un peu. Si elle a de nouveau conduit, c’est le seul effort qu’elle a pu accomplir de la journée. « En attendant peut-être de grimper dans ma chambre. Quand on est seul, c’est compliqué, » livre cette femme, arrivée au LorouxBottereau depuis un peu plus de quatre ans. Pour se rapprocher de son garçon. C’était juste après l’ablation de sa thyroïde au CHU de Nantes, après qu’un nodule - bénin - fut repéré. Après une double pose de prothèse de hanche, celle qui était arrivée en Loire-Atlantique à Pornichet au début des années 80 pour diriger des centres de vacances était trop esseulée. Marie-Thérèse Manière craint la prochaine crise. « Elles sont de plus en plus rapprochées », soupire-telle. « On est à moins de trois semaines. »
Retour à l’ancienne formule ? « Une pommade »
Aujourd’hui, elle est totalement désemparée. « On est des cobayes. On nous empoisonne la vie » , observe celle qui garde le soutien d’une amie au Croisic, confrontée au même problème. Son courrou vise l’agence nationale de sécurité du médicament et la ministre de la santé qui ont demandé au laboratoire allemand Merck de modifier la formule médicamenteuse. « Parce qu’il fallait changer le lactose, un des composants allergisants, par le manniol, et parce qu’il se dégradait facilement et voyait ses teneurs baisser plus les semaines passaient » , expliquent les autorités. Des arguments qui la laissent circonspecte. Marie- Thérèse Manière suspecte une économie « sur le dos des malades » .
La sexagénaire en veut aussi aux médecins et pharmaciens. « Depuis le début, ils savent mais ne nous disent rien. Ils ont minimisé dès le départ. Même le gouvernement ne se rend pas bien compte. J’invite les ministres à venir voir dans quel état de délabrement je suis, à certains moments. C’est un nouveau scandale sanitaire. Comme le Médiator » . Ces attitudes agacent les malades. Tout comme les dernières déclarations d’Agnès Buzyn. « Il n’y a pas de fraude, il n’y a pas de complot. Ni d’erreur, a insisté la ministre. Il y a eu un problème d’information qui n’a pas été redescendue jusqu’aux malades. Certains se sont retrouvés surpris par le changement de formule. Avec des effets secondaires. Mais ils s’estompent quand on arrive à bien doser le traitement » . Les 9 000 signalements sur les 3 millions d’utilisatrices du Levothyrox ont toutefois déclenché la mise en place d’un numéro vert. Et contraint l’Etat a remettre sur le marché les précédents médicaments, d’ici la fin du mois.
Cela n’a pas empêché MarieThérèse Manière de rejoindre les près de 300 000 signataires de la pétition, exigeant l’abandon définitif du nouveau. Elle devrait aussi s’allier à la centaine de plaintes de déposées contre X « pour mise en danger d’autrui (ndlr. une enquête a été ouverte par le tribunal de grande instance de Marseille) » . Et la Lorousaine n’est pas apaisée par la décision de la ministre. « On verra bien mais je ne crois pas qu’ils feront volte-face complètement. Ils ont déjà dit vouloir tester une nouvelle formule. Pour moi, ce n’est que de la communication. Une petite pommade pour nous faire taire » .
« Tout allait mieux avant »
En attendant, elle a décidé de diminuer l’absorption de ses petites pastilles. « De 115 milligrammes, je suis passé à 75. Ce ne sera pas pire. Mon THS ne s’en porte pas plus mal » , indique-elle. D’autres ont choisi d’aller l’acheter en Allemagne et Espagne. Deux pays qui n’ont pas encore la nouvelle formule. La Lorousaine espère que les actions de l’Association française des malades de la thyroïde porteront leurs fruits. Une structure qui a l’actrice Annie Dupérey, également touchée, comme porte-parole.
Comme beaucoup de ces femmes, « tout allait mieux avant le printemps » pour Marie-Thérèse Manière. « Maintenant, je ne vais plus au club des retraités jouer aux cartes. Je n’en ai plus la force. Je ne me suis pas inscrite au voyage de peur de faire un malaise là-bas. Ma vie a changé » , exprime avec des trémolos dans la voix celle qui, auparavant, était encore chronométreuse officielle pour les grands rallyes automobiles (Le Mans, Castelet, La Rochelle). Une femme dynamique qui invite celles qui sont dans la même situation à alerter l’opinion. Pour ne pas se sentir seule.