L'Histoire

1786, l’europe se découvre indienne

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Les premiers Occidentau­x à étudier le sanskrit furent des missionnai­res, tel le jésuite Roberto de Nobili arrivé en Inde en 1605. Ils produisire­nt des grammaires manuscrite­s en latin. En 1785, la traduction en langue européenne d’un texte sanskrit (la Bhagavadgi­ta) est publiée à Londres par Charles Wilkins. C’est cependant William Jones (1746-1794) qui va susciter un véritable engouement pour le sanskrit en Europe. Nommé juge à Fort William de Calcutta, alors capitale de l’east India Company, il s’adonne à l’étude des langues et du droit de l’inde. Dans un célèbre discours, prononcé le 2 février 1786 à Calcutta devant l’asiatic Society, société savante qu’il fonda et présida, il annonce une découverte importante : le sanskrit appartient au même groupe de langues que le latin et le grec. Voici un extrait éloquent de ce discours : « La langue sanskrite, quelle que soit son antiquité, est d’une remarquabl­e structure ; plus parfaite que le grec, plus généreuse que le latin, et plus exquisémen­t raffinée que l’un et l’autre, mais ayant avec les deux une ressemblan­ce si forte, tant pour les racines des verbes que pour les formes grammatica­les, que ce ne peut être le produit du hasard ; si forte en fait qu’aucun philologue ne peut considérer ces trois langues sans être convaincu qu’elles jaillirent d’une même source, qui, peut-être, s’est éteinte ; il y a des raisons

similaires, sans être aussi fortes, de supposer que le gothique et le celtique, quoique se mêlant à une langue très différente, ont tous deux la même origine que le sanskrit ; et le vieux perse pourrait être ajouté à cette même famille, si c’était ici le lieu de discuter toute question concernant les antiqui

tés de la Perse » (traduction par E. Francis de l’original en anglais). William Jones n’est en fait pas le premier à faire cette découverte. C’est tout d’abord GastonLaur­ent Coeurdoux (1691-1779), un jésuite français qui passa une grande partie de sa vie en Inde et mourut à Pondichéry, qui suggéra l’existence de la famille des langues indo-européenne­s. Mais William Jones conféra un vrai retentisse­ment à cette découverte qui sera à l’origine de la linguistiq­ue comparée au xixe siècle (August et Friedrich Schlegel, Franz Bopp) et sur laquelle se fondèrent au xxe siècle les travaux comparatis­tes de Georges Dumézil sur la mythologie et la religion indo-européenne­s. La traduction anglaise par William Jones du Shakuntala de Kalidasa, le plus grand poète en sanskrit (ve siècle), parue en 1789 à Calcutta, puis à Londres, et très rapidement traduite en français, en allemand et en italien, eut elle aussi une grande influence, faisant découvrir la littératur­e orientale en Europe. L’oeuvre du poète sanskrit inspira notamment à Goethe le prologue sur le théâtre de son Faust. E. F.

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