30millions
C’est le nombre d’indiens qui quittent leur pays entre 1840 et 1920 pour travailler outre- mer ; 24 millions finissent par revenir ; 6 millions s’installent définitivement outre- mer.
défend les intérêts des Indiens, vingt ans avant la création du parti du Congrès en Inde. L’india House de Londres, créée en 1905 par Shyamji Krishna Varma, accueille la plupart des révolutionnaires indiens de passage en GrandeBretagne. La branche française de cette association, la Société indienne de Paris, devient pour quelques années l’un des principaux pôles du nationalisme indien. En 1909, ses membres publient un manifeste panasiatiste afin de promouvoir l’unité politique et militaire de l’asie contre la domination des puissances coloniales (cf. p. 79).
A partir de 1907, une filiale de l’india House à Tokyo rassemble les étudiants indiens socialistes et anarchistes dont certains fondent avec des jeunes chinois et japonais la Fraternité asiatique (Asiatic Humanitarian Brotherhood), qui promeut l’assistance mutuelle entre les peuples du continent engagés dans des luttes pour l’indépendance nationale.
La plupart de ces associations disparaissent au début des années 1910 : les nationalistes indiens se regroupent alors au sein du Comité indien de Berlin (1914) et du parti Ghadar (1913) en Amérique du Nord. Les membres du Ghadar entretiennent des liens étroits avec l’irish Republican Brotherhood, les représentants de l’empire ottoman et du ministère des Affaires étrangères allemand qui financent l’armement afin de déstabiliser le Royaume-uni et les opérations en Inde. Car ces deux mouvements préconisent le recours à la révolution armée et jouent un rôle fondamental dans la conspiration « indoallemande », une série de rébellions à Singapour et dans le sous-continent entre 1914-1917 qui se soldent par des échecs.
L’extraordinaire parcours de Mahendra Pratap s’inscrit dans ces réseaux diasporiques. Le freedom fighter quitte l’inde pour rejoindre l’europe en décembre 1914, obtient grâce à ses camarades du Comité de Berlin le soutien du souverain allemand Guillaume II puis d’enver Pacha pour rassembler une petite armée. Arrivé à Kaboul début octobre 1915, il y proclame officiellement le 1er décembre la fondation du premier « gouvernement provisoire de l’inde » dont il devient le président. Privé du soutien du roi d’afghanistan, cette première tentative de gouvernement de l’inde libre échoue à la fin de la Grande Guerre et Pratap trouve refuge au Japon.
Bose, l’allemagne et le Japon
Fin 1941, Subhas Chandra Bose, adversaire de Gandhi et ancien président du parti du Congrès, reprend à son compte ce projet transnational de lutte contre les Britanniques en Inde. Il réunit des étudiants indiens vivant en Allemagne au sein d’une unité de la Wehrmacht, d’abord cantonnée aux Pays-bas, puis à Lacanau en Gironde et à Poitiers. Déçu par Hitler, Bose se tourne vers les Japonais et fonde avec leur soutien l’armée nationale indienne qui accueille à partir de 1943 une grande partie des soldats indiens de l’armée britannique emprisonnés à la suite de la prise de Singapour. Cette armée incorpore aussi des coolies des plantations ainsi que de nombreuses femmes qui constituent la seule unité combattante féminine en dehors de L’URSS, le régiment « Rani of Jhansi » 5.
Subhas Chandra Bose fonde le 21 octobre 1943 à Singapour le Azad Hind, gouvernement provisoire de l’inde libre qui possède son armée, sa monnaie, son système judiciaire et son Code civil, et prétend avoir autorité sur tous les Indiens des anciennes colonies britanniques d’asie du Sud-est et sur les territoires indiens libérés des Britanniques. Ainsi, l’inde libre peut, un court moment, exercer sa souveraineté sur les îles Andaman-et-nicobar. Cette expérience politique s’achève avec la défaite militaire japonaise et la mort de Bose dans un accident d’avion le 18 août 1945. Deux ans plus tard, Nehru, son adversaire politique éduqué à Harrow et Cambridge, devient le premier Premier ministre de l’union indienne.
Cette histoire mondiale de l’inde contemporaine reste à écrire. De l’itinéraire extraordinaire d’abdul Karim aux parcours spectaculaires des PDG des plus grandes multinationales – Sundar Pichai (Google), Satya Nadella (Microsoft), Rajeev Suri (Nokia), Indra Nooyi (Pespico) ou Ajay Banga (Mastercard) – en passant par les coolies d’hier et les travailleurs asservis dans les pays du Golfe aujourd’hui, la diaspora indienne semble priver le sous-continent d’une partie de ses talents et de sa main-d’oeuvre tout en constituant sans doute, depuis le milieu du xixe siècle, son meilleur atout dans la mondialisation. n