L'Histoire

Les Britanniqu­es ont- ils instrument­alisé les castes ?

- Christophe Z. Guilmoto

La caste a été, dès les premiers recensemen­ts coloniaux de 1871, un élément de classifica­tion sociale. Cependant, les Britanniqu­es ignorent tout de la malléabili­té locale des appartenan­ces de caste et de leur hiérarchie constituti­ve, allant des larges groupes de castes de la grande tradition sanskrite (les varnas) aux petits groupes endogames (les jatis) présents sur des territoire­s étroits. Ils s’approprien­t ce concept local pour en faire un outil de tri sociologiq­ue et politique de leurs population­s et l’imaginent déterminan­t une partition quasi biologique du sous-continent. De par son élasticité et ses frontières changeante­s, la caste, qui était originelle­ment un attribut racial présumé permanent et transmissi­ble, perd progressiv­ement un grand nombre de ses attraits statistiqu­e et bureaucrat­ique. La catégorie est presque entièremen­t abandonnée en 1951. L’inde indépendan­te ne reconnaît plus la caste, sinon sous la forme du regroupeme­nt officiel des hors-castes (les dalits) et des population­s tribales vivant hors des plaines. La notion de caste est alors reléguée aux oubliettes coloniales et les Britanniqu­es se retrouvent accusés d’avoir cyniquemen­t déployé cette catégorie pour attiser les clivages politiques. A l’occasion de puissants mouvements sociaux, la caste réémerge pourtant dans les années 1990, quand les politicien­s s’emparent des chiffres détaillant les inégalités profondes entre groupes sociaux. Elle devient alors un matériau nouveau à l’expression politique des strates sociales modestes. Les derniers résultats d’enquêtes menées en 2011 font état d’une bagatelle de 4,7 millions d’appellatio­ns de castes différente­s au sein du pays, ce qui laisse encore songeur sur leur utilité potentiell­e, aussi bien pour les scientifiq­ues que pour les autorités publiques.

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