Modi, le nationalisme et les vaches
Le parti qui a remporté les élections indiennes de 2014, le Bharatiya Janata Party (BJP, « Parti du peuple indien »), est l’héritier d’une longue tradition. Son idéologie, l’hindutva, s’apparente au nationalisme ethno-religieux et est apparue dans les années 1920, lorsque l’un de ses pères fondateurs, Vinayak Damodar Savarkar, définit les hindous à partir de leur religion, leur langue (le hindi), leur territoire (une terre sacrée s’étendant sous l’arc de l’himalaya) et leur autochtonie remontant à l’aube de la civilisation. Par contraste, les musulmans (14 % de la population aujourd’hui) et les chrétiens (2 %) étaient présentés comme des pièces rapportées, voire des envahisseurs. Cette idéologie s’est vite incarnée dans un mouvement, le Rashtriya Swayamsevak Sangh (« Corps des volontaires nationaux »), qui diffusa ce nationalisme et muscla la majorité hindoue par un entraînement physique allant des arts martiaux à une formation paramilitaire. Devenu une milice d’autodéfense antimusulmane à l’approche de la partition de 1947, le RSS a été interdit par Nehru en 1948 et 20 000 de ses partisans mis sous les verrous, suite à l’assassinat de Gandhi par Nathuram Godse, probablement l’un de ses anciens membres. De nouveau légal en 1949, il s’est doté de syndicats et d’un parti politique, le Jana Sangh, qui n’a jamais dépassé 10 % des suffrages. Mais, dans les années 1970, il est parvenu à se faire accepter par l’opposition au Congrès, au point de se fondre dans une nouvelle formation, le Janata Party (« Parti du peuple »), au pouvoir de 1977 à 1979. Après la création du BJP en 1980, les émeutes antimusulmanes se multiplièrent dans les années 1990, polarisant l’électorat sur une base religieuse et permettant au parti de monter en puissance, au point de prendre le pouvoir en 1998. Les partisans du Premier ministre Atal Bihari n’étaient toutefois pas tous aussi radicaux que ceux de l’actuel Premier ministre Narendra Modi, dont le parti est majoritaire à la Chambre basse du Parlement depuis 2014. Ses victoires dans les États de la fédération indienne lui permettront bientôt d’être aussi majoritaire à la Chambre haute. Cela explique les discriminations dont sont victimes les minorités. La plus spectaculaire concerne l’interdiction de l’abattage des vaches, l’animal sacré de l’hindouisme, qui s’est traduite par le harcèlement (voire le lynchage) de musulmans par des milices nationalistes.