Au carrefour des sciences
Formé aux mathématiques en Inde, Kapil Raj est devenu historien des sciences. Le premier, il a su dépasser les modèles par lesquels on abordait classiquement la science coloniale pour montrer la coproduction des savoirs modernes dans l’inde coloniale. Cette modernité scientifique serait permise par les rencontres que suscite le contexte indien : entre Britanniques et Indiens bien sûr, mais aussi entre différents groupes de Britanniques et différentes populations indiennes. Le tournant du xixe siècle marque sur ce plan une rupture majeure. Tout au long du xviiie, les Anglais, pétris de culture gréco-latine, se choisissaient pour interlocuteurs leurs pendants brahmanes et musulmans et évoluaient ainsi dans une Inde qu’ils ne percevaient qu’à travers des textes classiques. A l’inverse, d’autres acteurs européens entraient en contact avec les populations indiennes, recueillant langues et savoirs : les ingénieurs, médecins et naturalistes formés par les universités écossaises et néerlandaises, mais également les missionnaires baptistes, persécutés sur les îles Britanniques et réfugiés près de Calcutta, dans la colonie danoise de Serampore. C’est en 1800 que tous ces groupes sont mis en contact, avec la fondation à Calcutta du Collège de Fort William, destiné à former tous les officiers de la Compagnie anglaise des Indes orientales qui arrivent en Inde. Les cours, qui mêlent enseignements classiques et techniques, européens et asiatiques – on y enseigne notamment les six principales langues d’asie du Sud (hindoustani, bengali, télougou, marathe, tamoul et kannada) –, y sont dispensés en grande partie par des professeurs écossais et baptistes, assistés d’hindous et de musulmans qui, souvent, enseignent à leur place. Parfaite illustration des rencontres coloniales et de leur potentiel scientifique.