Nous et les autres
Face au désordre du monde, l’homme a besoin de classer ce qu’il perçoit selon des caractéristiques communes ; y compris les être humains, différenciés selon le sexe, l’âge, l’appartenance géographique ou culturelle, la taille, la couleur de peau… « C’est un processus cognitif naturel » , explique l’anthropologue et généticienne Évelyne Heyer, commissaire, avec l’historienne Carole Reynaud-paligot, de cette exposition riche et pédagogique. Ce processus n’induit pas forcément un jugement de valeur ou une hiérarchisation entre les hommes. Il a cependant été instrumentalisé pour servir des idéologies racistes et nationalistes. C’est au pourquoi et au comment de ce passage entre catégorisation et racialisation que s’intéresse et répond l’exposition « Nous et les autres ». En s’appuyant sur quatre exemples historiques : le racisme colonial (issu du système esclavagiste), qui consistait, au xixe siècle, à justifier la domination politique et économique des autres en affirmant leur infériorité ; la ségrégation dont ont été victimes les Afro-américains aux États-unis jusqu’aux années 19641965 ; le nazisme et le mythe de la race pure, qui a causé la mort de 6 millions de Juifs et de centaines de milliers de Tsiganes pendant la Seconde Guerre mondiale ; le génocide des Tutsis par les Hutus, au Rwanda, en 1994. Le dernier mot revient à la science d’aujourd’hui : la notion de races n’a pas lieu d’être pour l’homme. « Notre espèce est jeune, et les hommes se sont toujours beaucoup mélangés » , sourit Évelyne Heyer. Deux individus, d’où qu’ils soient, sont à 99,9 % identiques par leur génome. Et il n’y a pas moins de différence entre deux Européens d’un même village qu’entre un Africain et un Européen, ou un Africain et un Asiatique. Certaines idéologies ont néanmoins la vie dure. n Juliette Rigondet
Journaliste