Péronne/ Historial de la Grande Guerre Zinoview, sur le front
Militant de gauche au lendemain de la première révolution russe en février 1917, recruté en prison comme agent secret par la police politique, l’okhrana, et envoyé à Paris pour infiltrer le milieu des émigrés socialistes ; volontaire dans la Légion étrangère en 1914, puis membre du Corps expéditionnaire russe en France et témoin de la mutinerie de ses compatriotes dans le camp de La Courtine en 1917… La vie d’alexandre Zinoview (1889-1977) pourrait inspirer un roman. Or, il a aussi et surtout été un peintre qui a laissé une oeuvre riche et originale, marquée par son expérience du front. Celle-ci fait aujourd’hui l’objet d’une exposition à l’historial de la Grande Guerre à Péronne. Faisant une part belle à la production artistique d’alexandre Zinoview, qui comprend plusieurs dizaines de gouaches et de dessins à l’encre et au crayon noir, ainsi que quelques toiles, l’exposition y mêle des documents venant des archives privées de l’artiste, sa correspondance, ses carnets de guerre et de nombreuses photos prises au front. L’ensemble permet de découvrir des décors faits de tranchées, de ruines, de cimetières et de champs de barbelés, et ses « coulisses » où défilent, sous l’oeil complice du peintre, ses camarades : combattants de la Légion étrangère et brancardiers de l’ambulance russe, soldats français, marocains et russes. Son intérêt pour la figure humaine s’épanouit au front où il ne cesse de saisir au vol les visages de la guerre : transis de froid, envahis par la peur, plongés dans l’indifférence. La violence et la souffrance sont omniprésentes, mais elles n’épuisent pas la palette de sentiments qui habitent son oeuvre. Le quotidien des combattants se décline à travers une multitude de situations, de gestes et d’émotions qui forment un univers à la fois intime et dramatique, marqué par des recherches esthétiques qui conduisent l’artiste à dépasser le réalisme sans rien perdre de l’authenticité de son témoignage graphique. n
Emilia Koustova Maître de conférences à l’université
de Strasbourg