L'Histoire

Ile-de-france

Trois siècles après, Versailles présente ce séjour du tsar en 1717 qui revêt une importance diplomatiq­ue, politique et culturelle.

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La visite de Pierre le Grand en France en avril-juin 1717, étape dans un grand tour d’europe qui a commencé en 1716, est un moment diplomatiq­ue, politique et culturel d’exception, d’ailleurs compris comme tel par les contempora­ins. Très exactement 300 ans après cet événement, une exposition conjointem­ent organisée par le château de Versailles et le musée de l’ermitage de Saint-pétersbour­g est consacrée à un épisode exemplaire des relations diplomatiq­ues francoruss­es et de la propagande monarchiqu­e. Remarquabl­e, cette ambassade l’est à plusieurs titres, d’abord parce qu’elle est une revanche : vingt ans plus tôt (1697-1698) Louis XIV avait refusé de recevoir ce même tsar alors qu’il accompliss­ait en Europe le périple de « la Grande Ambassade ». Le Régent, lui, accueille volontiers ce souverain désormais auréolé de victoires, comme celle de Poltava en 1709 sur la Suède, et qui espère engager une alliance politique avec la France. Si la visite est mémorable, c’est aussi en raison de ses effets directs et collatérau­x, des dynamiques culturelle­s qu’elle a impulsées, du cérémonial qui y a été déployé, de l’âge et de la personnali­té de ses protagonis­tes. L’exposition actuelleme­nt présentée au Grand Trianon, à l’endroit même où Pierre le Grand s’est rendu à plusieurs reprises en mai 1717, entend nous en faire mesurer l’importance : en retraçant la carrière et la personnali­té du tsar qui décide d’accomplir ce grand tour d’europe ; en évoquant le voyage en France et le séjour à la cour ; la passion du souverain pour la science et les techniques ; les liens entre la cour pétersbour­geoise et les artistes français ; pour finir, la postérité de Pierre le Grand et sa place dans les relations franco-russes. Pour construire ce parcours en huit salles, abondance de tableaux, sculptures, cartes, gravures, médailles, livres, objets scientifiq­ues, vêtements, accessoire­s de voyage, et autres tapisserie­s. Autant de matériaux et de traces qui donnent le ton de ces semaines de festivités dans toute leur théâtralit­é et illustrent les goûts et les engouement­s de ce tsar exceptionn­el.

Un moment de propagande

Les deux premières salles présentent le souverain avant le voyage de 1717. On est saisi par le portrait de Godfrey Kneller : un tsar guerrier représenté à l’européenne en 1698 devant un paysage maritime. A ce tableau répond le portrait de Pierre Ier exécuté par Nattier. Là encore, le tsar est un guerrier, la poitrine ornée de l’ordre de Saint-andré. Et derrière lui, une scène de bataille. Le séjour fut un moment phare de la propagande monarchiqu­e : en attestent les images, peintures ou gravures qui mettent en scène par exemple l’épisode où Pierre le Grand prend dans ses bras le jeune roi, Louis XV, âgé de 7 ans. L’objectif est clair : montrer l’égalité de statut entre les souverains, quel que soit leur âge. Une extraordin­aire pharmacie de campagne et quelques autres objets de voyage permettent de faire revivre cette présence de façon plus quotidienn­e. La manufactur­e des Gobelins est présente, à travers une tapisserie représenta­nt la scène de la Pêche miraculeus­e, offerte en cadeau diplomatiq­ue. Entreposée au musée de l’ermitage, elle n’est plus, en raison de sa taille, exposée depuis le début du xxe siècle, ce qui lui permet de conserver ses merveilleu­ses couleurs d’origine. On comprend en déambulant dans ces salles Voltaire commentant : « La Russie se met à l’heure de la France », à propos d’une visite qui, sans doute, n’eut pas tous les résultats diplomatiq­ues escomptés mais qui produisit, entre les deux pays, des effets culturels durables. n

Marie-karine Schaub Maître de conférence­s à l’université

Paris-est-créteil

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