L'Histoire

Simone Veil aux Archives nationales

Alors que Simone Veil va entrer au Panthéon, le classement de ses papiers personnels, conservés aux Archives nationales, vient de s’achever.

- Par Zénaïde Romaneix*

Par Zénaïde Romaneix

Dès 2012, les enfants de Simone Veil manifestèr­ent auprès des Archives nationales le souci de conservati­on des archives de leur mère. Cette démarche s’inscrivait dans une perspectiv­e de conservati­on de la mémoire d’une femme, de ses combats politiques, de ses engagement­s, mais également d’une époque et de ses conflits, mémoire de la France et de la constructi­on européenne, audelà de Simone Veil elle-même.

C’est sans doute cette articulati­on entre destin individuel et mémoire nationale qui conduisit les fils de Simone Veil à se tourner vers les Archives nationales pour un don, sans condition ni contrepart­ie mémorielle, qui fut formalisé en 2014. Une démarche identique les amena à confier au Mémorial de la Shoah toutes les archives relatives aux actions engagées par leur mère pour perpétuer la mémoire du génocide.

En septembre 2012, 44 conteneurs d’archives arrivèrent sur le site de Pierrefitt­e, premières archives privées accueillie­s dans le nouveau bâtiment des Archives nationales. Elles furent complétées en novembre 2013, janvier 2014 et février 2015. Remontant aux années 1950 pour les plus anciens et courant jusqu’en 2014 pour les plus récents, ces dossiers couvrent toute la carrière de Simone Veil (ministre à deux reprises, députée puis présidente du Parlement européen, membre du Conseil constituti­onnel), ses activités publiques, privées ou associativ­es.

En février 2015, l’intégralit­é de ces archives, rassemblée­s au sein du fonds 688AP Simone Veil, représenta­it alors 390 cartons, soit 58 mètres linéaires. Un volume comparable aux archives de Michel Rocard ou de Louis Mermaz, mais bien inférieur à celles de Philippe Séguin. Le travail de classement et de descriptio­n a duré deux ans et vient d’aboutir en juillet 2017 à la mise en ligne d’un inventaire détaillé dans la salle des inventaire­s virtuelle des Archives nationales. Ce fonds reflète les grands engagement­s de Simone Veil, à travers discours, correspond­ances, nombreux dossiers des associatio­ns et fondations auxquelles elle participa. Il complète les archives publiques, dont le contenu se révèle assez éloigné des espérances.

Agendas personnels

En effet, si les deux ministères occupés par Simone Veil de 1974 à 1979 (ministère de la Santé) puis de 1993 à 1995 (ministère des Affaires sociales, de la Santé et de la Ville) sont bien présents dans les fonds publics, les archives de la ministre ellemême y sont peu ou pas représenté­es. On n’y trouve ainsi aucune trace de la préparatio­n de la loi relative à l’interrupti­on volontaire de grossesse.

Le fonds personnel de Simone Veil est à l’image du sort réservé par nombre de personnali­tés politiques de premier plan à leurs archives et de la confusion qu’elles opèrent entre archives publiques – destinées à rejoindre les services d’archives de l’état – et papiers privés qu’elles conservent dans un souci d’écriture de l’histoire ou de leur histoire, par confidenti­alité, ou tout simplement par sentiment de propriété. Certaines

de ces archives sont pieusement conservées par les descendant­s successifs, d’autres sont confiées à des institutio­ns mémorielle­s privées, d’autres encore sont transmises aux services publics d’archives, permettant de combler les lacunes des fonds publics. Et c’est bien là toute la richesse d’un fonds d’archives tel que celui de Simone Veil.

Se côtoient ainsi dans le fonds 688AP aussi bien les agendas personnels et l’oeuvre littéraire de Simone Veil que les comptes rendus manuscrits des conseils des ministres pour la période 1974-1979 et sa correspond­ance avec Édouard Balladur de 1993 à 1995. Son engagement constant pour la constructi­on européenne s’éclaire d’un jour nouveau avec les manuscrits des discours prononcés en tant que présidente du Parlement européen. Son combat pour les droits des femmes est illustré par les lettres de remercieme­nt reçues en 1974 et 1975 dans le contexte de la loi Veil ou par deux cahiers de notes manuscrite­s prises en juillet et août 1998 au cours d’une mission sur les femmes algérienne­s effectuée dans le cadre de la Commission des droits de l’homme de L’ONU en Algérie. Au sein de plus de 100 cartons de correspond­ance scrupuleus­ement conservée et classée de 1963 à 2014, les courriers « foldingues » ou « gentils » font écho au « sottisier » des dossiers thématique­s…

La cohérence enfin retrouvée des archives de Simone Veil, désormais accessible­s aux chercheurs sous réserve de l’autorisati­on des ayants droit, est renforcée par le don effectué en janvier 2015 des papiers d’écrivain et d’homme public de son époux, Antoine Veil, groupés dans le fonds 742AP. Les Archives nationales offrent ainsi, avant même leur entrée au Panthéon, de réunir Antoine et Simone Veil dans un lieu dédié à l’histoire et à la préservati­on de la mémoire nationale. n

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Ministre En 1974, Simone Veil pose dans ses nouveaux bureaux du ministère de la Santé.

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