L'HUMANITE MAGAZINE

Après coup, le cauchemar continue

Le thriller « Quitter la nuit », premier long métrage de la cinéaste belge Delphine Girard, nous embarque en enfer sur l’interminab­le parcours des victimes de violences sexuelles. Saisissant.

- S. J.

Une femme de dos, prisonnièr­e de l’habitacle d’une voiture, fait semblant d’appeler sa soeur qui garde sa fille pour la soirée. À ses côtés, un homme, les mains crispées sur le volant, fonce sur une route déserte. À l’autre bout du fil, Ana, qui répond aux appels d’urgence de nuit de la police, comprend que quelque chose ne va pas. Elle va faire durer la discussion afin de localiser cette femme en danger qui ne peut pas parler. Pendant de longues minutes, une tension presque insoutenab­le laisse craindre le pire, jusqu’à ce que la police finisse par intervenir. Quelques heures plus tard, Aly, la jeune femme, accuse Dary, le conducteur, de l’avoir violée et séquestrée. Les preuves manquent car elle a refusé d’aller au bout de l’examen médical. Aux yeux de la police, cette affaire relève de la fameuse « zone grise » et, faute de témoin, la parole d’Aly, qui n’est pas une « bonne victime », vaut autant que celle de l’agresseur présumé.

Inspiré d’un enregistre­ment trouvé sur YouTube où une jeune Américaine appelle la police dans des circonstan­ces similaires, « Quitter la nuit » fait suite à « Une soeur », un court métrage nommé aux Oscars en 2020. Avec les mêmes comédiens, Selma Alaoui (Aly), Guillaume Duhesme (Dary), Veerle Baetens (Ana), la cinéaste belge Delphine Girard développe cette situation dans un premier long métrage aux choix narratifs audacieux. Morcelée en flash-back, la longue nuit que les protagonis­tes ne parviennen­t pas à quitter revient comme un leitmotiv cauchemard­esque. Multiplian­t les points de vue, y compris celui de l’agresseur présumé, soutenu par sa mère (Anne Dorval), Delphine Girard met au jour avec une grande intelligen­ce la mécanique du déni à l’échelle d’une société, la difficulté pour les victimes d’aller au bout de la procédure judiciaire. Un film captivant, porté par une interpréta­tion impeccable.

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La policière qui reçoit l’appel de détresse (Veerle Baetens), premier maillon de la chaîne judiciaire.
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QUITTER LA NUIT, de Delphine Girard, Belgique, France, 1 h 48

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