Voyage sur les terres incandescentes de l’Aveyron
Au coeur du parc naturel régional des Grands Causses, dans le sud de l’Aveyron, s’étend un paysage singulier fait de terres rouges sculptées par le vent et l’eau : c’est le Rougier de Camarès, paradis pour les vététistes et les randonneurs, qui y crapahutent entre collines et vallons.
Au pied des monts de Lacaune, Camarès, ancienne cité industrielle sur les rives du Dourdou (affluent du Tarn), est le point de départ de notre escapade. Autrefois appelée simplement « Lo Poun », le pont, – le Camarès étant le nom du territoire –, la cité aux origines carolingiennes fut d’abord bâtie sur une colline escarpée puis ceinte de fortifications dont une partie est encore visible dans la ville haute. En bas, vers le Dourdou qu’enjambe le Pont-Vieux, construit au XIe siècle en grès rouge, la pierre emblématique du pays, se trouvent d’anciennes filatures et la place commerçante où se déroulaient les grandes foires. Camarès a des rues étroites et escarpées, un château en ruine qui abrite une roseraie, de belles maisons de pierres, des calades qui mènent à d’anciennes portes de ville ou à de beaux panoramas. On la parcourt en savourant un « biscotin de Camarès », sablé créé par la biscuiterie familiale installée à l’angle du Pont-Neuf…
Quittant Camarès par la D10, nous prenons la direction de Sylvanès. Un timide soleil éclaire, au loin, le massif du Lévézou, tandis que nous longeons des prairies pentues et quelques solides maisons en grès. Déjà, des talus de terres rouges nous indiquent que nous nous enfonçons au coeur du Rougier. Bifurquant à gauche sur la petite D101, nous traversons de vastes étendues désertiques qui ont des airs d’Outback australien…
300 MILLIONS D’ANNÉES PLUS TARD…
Pour embrasser du regard toute la palette du Rougier de Camarès, nul endroit ne convient mieux que la terrasse du château de Montaigut, sur la commune de Gissac. Construit au Xe siècle sur une nécropole du haut Moyen Âge, ce château atypique, jadis simple tour de guet chargée de surveiller la région depuis sa butte, a été aménagé au XIVe siècle. Sauvé de la ruine il y a une quarantaine d’années et restauré par plusieurs milliers de
bénévoles, il domine la vallée du Dourdou, la plaine du Rougier et sa mosaïque verte et rouge de prés, cultures, bois, landes et collines.
L’une des salles du château abrite une exposition permanente intitulée « Voyage en Pangée ». Elle permet de comprendre les bouleversements géologiques majeurs, l’évolution du climat et les raisons de la couleur si particulière du sol. Il y a environ 300 millions d’années, la région était occupée par une vaste lagune. Lorsque la mer s’est retirée, les sédiments du sol, riches en fer, soumis à un climat tropical, chaud et humide, ont été oxydés, et ont pris ces nuances qui peuvent aller, selon la lumière et les saisons, du violet à l’orangé en passant par le pourpre, l’incarnat, le vermillon, l’ocre…
Vrai régal pour l’oeil, le Rougier de Camarès, au relief sculpté par la force du vent et de l’eau, ne demande qu’à être exploré, à condition de le respecter, car sa terre friable composée de roches sédimentaires à grains très fins, sensibles à l’érosion, le rend fragile. Un sentier d’interprétation d’1 km, à faire en famille, permet de le découvrir. Autour de Camarès, Montlaur et Gissac, des itinéraires de longueurs différentes permettent de traverser les terres rouges et les canyons parmi les taillis de chêne, les buissons de thym ou de genêts tout en appréciant la vue sur le Merdelou (1 110 m), l’un des plus hauts sommets des monts de Lacaune. Si l’économie agricole de la région est centrée sur l’élevage ovin, elle est également tournée vers la culture de céréales. Mais, au coeur du bassin de Camarès, rien ne pousse sur les sols érodés, ravinés. Sauvage et inhabité, sujet à la déprise agricole, le Rougier est cependant riche d’une étonnante biodiversité :
SELON LA LUMIÈRE ET LES SAISONS, LE SOL VARIE DU VIOLET À L’ORANGÉ EN PASSANT PAR LE POURPRE.
52 plantes classées sur la liste rouge des espèces menacées en Midi-Pyrénées, dont le trèfle étoilé qui pousse dans les paysages ravinés du Rougier, et une faune tout aussi remarquable dont le bruant ortolan migrateur, qui s’y reproduit, ou le lézard ocelé, aujourd’hui menacé.
MYSTÉRIEUSES STATUES-MENHIRS
Au gré d’une randonnée dans ce vaste espace de 57 000 hectares, vous rencontrerez peut-être de mystérieuses pierres sculptées en grès rouge sur les hauteurs d’un plateau ou en bordure de chemin : ce sont des menhirs d’environ 1,20 m de hauteur, premières figurations humaines connues en Europe occidentale, datés d’environ 5 000 ans. Le Rouergue est la région où ces statues fichées en terre sont les plus nombreuses (120 répertoriées), notamment dans la vallée du Dourdou et du Rance. Conservées à l’abri au musée Fenaille de Rodez, les statues-menhirs sexuées ont été remplacées au plus près de leur lieu de découverte par des copies de pierre. Six statues-menhirs jalonnent une belle balade de 10 km au départ de SaintVincent, sur la D91 entre Camarès et Belmont, qui vous mène, dans un paysage de crêtes et de vallons, sur un plateau dominant le Rougier.