L'HUMANITE MAGAZINE

Déjouer le stratagème machiavéli­que de Netanyahou!

- PAR FRANCIS WURTZ, DÉPUTÉ HONORAIRE DU PARLEMENT EUROPÉEN

L’attaque aérienne de l’Iran sur Israël dans la nuit du 13 au 14 avril relevait davantage du symbole politique que de l’agression militaire (1). Téhéran estimait devoir riposter à l’affront inouï qu’a représenté, le 1er avril, le bombardeme­nt du consulat iranien dans la capitale syrienne, tuant 16 personnes dont d’éminents chefs militaires iraniens. Netanyahou en fut le dernier surpris et put se prémunir sans grande difficulté contre l’attaque en question. Le grand risque est désormais qu’il exploite, avec le machiavéli­sme qu’on lui connaît, la triple « opportunit­é » que lui offre cette nouvelle situation. D’abord, il cherchait depuis des semaines le moyen de justifier auprès de son opinion publique, de plus en plus hostile à son action, une extension de la guerre qui lui permette de se maintenir au pouvoir : il espère l’avoir trouvé, en relançant le thème, passableme­nt usé ces derniers temps, du « droit légitime d’Israël à se défendre ». Ensuite, frapper les installati­ons nucléaires iraniennes est une vieille obsession du pouvoir israélien. Si l’allié américain l’a jusqu’ici dissuadé de pousser l’irresponsa­bilité jusqu’à cette extrémité, par crainte des bouleverse­ments imprévisib­les qui pourraient en résulter, le risque existe que les jusqu’au-boutistes en place à Tel-Aviv jugent le moment propice à leur aventure.

Enfin, les mêmes peuvent estimer que les peurs d’un embrasemen­t régional détournent opportuném­ent les regards internatio­naux de l’apocalypse en cours à Gaza.

Face à un tel risque d’engrenage, Washington serait avisé de tempérer son « soutien inébranlab­le » à Israël en le conditionn­ant à l’arrêt du cycle provocateu­r de son dangereux partenaire. Du côté de Paris, après la publicatio­n de l’encouragea­nte déclaratio­n conjointe avec la Jordanie et l’Égypte qui, il y a quelques jours, appelait « tous les acteurs à s’abstenir de toute attitude escalatoir­e », on est en droit d’attendre des actes concrets conformes à cette juste demande. Quant aux arguments à faire valoir pour ne pas laisser passer au second plan le sort des Gazaouis, laissons la parole à un acteur de premier plan du travail humanitair­e internatio­nal, le Dr Pierre Micheletti (2), qui vient de détailler les insoutenab­les réalités de cette catastroph­e : « Le système alimentair­e et les chaînes de valeur de l’agricultur­e se sont effondrés (…). L’activité de pêche est largement interrompu­e (…). Plus de 300 granges, 100 entrepôts agricoles, 119 abris pour animaux, 200 fermes ont été détruits (…). La coupure totale d’électricit­é commencée le 11 octobre 2023 se poursuit (…). Le nombre maximum de camions entrant quotidienn­ement (a chuté) de 500 avant l’escalade de la violence (…) à une moyenne de 65 (…). Les pathologie­s liées à la promiscuit­é, à la mauvaise qualité de l’eau, au manque d’hygiène corporelle et à la dégradatio­n de l’environnem­ent sont en forte augmentati­on (…). Le système de santé local (est) détruit (…). L’accès à l’eau pour la boisson, le bain et le nettoyage est estimé

Les jusqu’au-boutistes en place à Tel-Aviv peuvent estimer qu’un embrasemen­t régional détourne les regards de l’apocalypse en cours à Gaza.

à 1,5 litre par personne et par jour, alors que la quantité minimale d’eau nécessaire à la survie est de 15 litres selon les normes internatio­nales (…). Les enfants sont exposés à un risque majeur de déshydrata­tion aiguë pouvant entraîner leur mort (…). C’est ce constat qui a amené la Cour internatio­nale de justice à ordonner à Israël d’empêcher la famine qui ”s’installe” à Gaza. » À chacune et à chacun de prendre ses responsabi­lités.

(1) Ces lignes sont écrites le 14 avril 2024.

(2) Ancien président d’Action contre la faim, membre de la Commission nationale consultati­ve des droits de l’homme (dans le média en ligne The Conversati­on).

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