L'HUMANITE MAGAZINE

« Libéralise­r, c’est dégrader le service »

- PAULINE ACHARD pauline.achard@humanite.fr

Romain Rassouw est secrétaire générale de la CGT énergie de Seine-Saint-Denis et ancien technicien à GRDF. Au fil des années, il a vu le mastodonte public se faire déposséder de ses compétence­s au profit de prestatair­es et aux dépens des consommate­urs.

Il y a plus de deux décennies, quand l’Union européenne s’apprêtait à exiger l’ouverture des marchés de l’énergie à la concurrenc­e, le jeune Romain Rassouw, 17 ans, entrait en tant qu’apprenti à Gaz de France (GDF), entreprise alors encore 100 % publique. Mais en 2000, la libéralisa­tion commence, à l’époque pour les industriel­s (dont la consommati­on dépassait les 237 MWh par an), avant d’être élargie en 2004 aux plus petites entreprise­s et, en 2007, aux particulie­rs, mettant ainsi fin au monopole du service public structuré autour d’EDF et de GDF. La réglementa­tion européenne impose pour ce faire la séparation des activités de fournisseu­r d’énergie de celles de gestionnai­re de réseaux de distributi­on. Romain, lui, a donc poursuivi son parcours au service technique gaz de la branche exploitant le réseau français de distributi­on de gaz, devenu GRDF (Gaz réseau distributi­on de France) en 2007.

Ce dernier assiste alors, à partir de 2004, à la dégradatio­n de la qualité du service. Détaché syndical à la CGT énergie de la Seine-Saint-Denis depuis une dizaine d’années, le militant était à l’époque rattaché au centre de Pantin, qui rayonnait sur 29 communes. Le recours à l’externalis­ation des activités s’accélère et les salariés sont regroupés par portefeuil­le. « Des études et préparatio­ns de chantier, en passant par la technicité, la maîtrise d’ouvrage, les petites interventi­ons comme la pose de compteur ou les plus grosses à l’instar des raccordeme­nts… tout était produit en interne», se souvient le délégué syndical. Aujourd’hui, la plupart de ces activités sont pratiquées par des prestatair­es, sur des heures ouvrées, « dans un souci de rentabilit­é ». Parmi eux, Spac, STPS ou encore Terca.

FERMETURES D’AGENCES

Outre une perte significat­ive de compétence­s pour les agents de GRDF, au profit de divers sous-traitants, la plupart de ces services ne sont aujourd’hui plus intégrés à la facture des usagers et le délai de traitement a été allongé. «Par exemple, la mise en service rapide pour un emménageme­nt coûte aujourd’hui plus cher et est réalisée dans les 48 heures quand, à l’époque, ça pouvait être réglé dans l’après-midi, moyennant de plus petites sommes intégrées à l’abonnement », fustige Romain Rassouw.

L’ancien technicien dénonce également la fermeture d’une majorité des agences et sites qui était implantés à travers le territoire, depuis que l’Europe a contraint le mastodonte de l’énergie à créer de toutes pièces un « marché de l’énergie », poussant ainsi la filiale GRDF à réduire la voilure. « Sur mon secteur, il y avait une dizaine d’agences, il n’y en a plus que quatre. La dernière boutique dédiée à l’accueil des usagers a, elle, baissé le rideau à Pantin en 2015 ». « Libéralise­r implique de dégrader les services, sabrer dans la masse salariale, externalis­er les compétence­s, et augmenter la part de la facture adossée au marché pour réduire les coûts et faire face à la concurrenc­e », conclut le cégétiste.

L’EUROPE A CONTRAINT GDF À CRÉER DE TOUTES PIÈCES UN « MARCHÉ DE L’ÉNERGIE ».

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