« Il serait bien que l’on établisse un plafonnement des aides de la PAC »
Éleveur et maire du Grand-Bourg (Creuse), Francky Chatignoux fait les frais d’une politique agricole commune surtout généreuse avec les plus grosses exploitations.
Francky Chatignoux a découvert le métier comme tant d’autres. À l’âge d’apprendre à faire ses lacets, le bambin admirait déjà ses agriculteurs de parents, avant de reprendre le flambeau, en 2000, à l’âge de 25 ans. « Au début de ma vie professionnelle, j’ai été commercial pendant trois ans en négoce agricole. Mon père a ensuite rencontré des problèmes de santé, c’est ce qui m’a incité à revenir l’épauler sur l’exploitation », explique Francky.
Aujourd’hui, à 49 ans, cet éleveur bovin exploite une centaine de vaches au Grand-Bourg (Creuse) sur 135 hectares, avec sa femme et un salarié. Un choix naturel pour ce « passionné ». Malheureusement, cette passion a du mal à remplir les assiettes. Après s’être occupé de ses terres, de ses animaux, avoir vendu ses bêtes à 5,50 euros le kilo à la coopérative Celmar, Francky ne se dégage qu’un salaire de 1 000 euros par mois. Alors, quand il s’agit de réformer la politique agricole commune (PAC), ce vice-président du Mouvement de défense des exploitants familiaux (Modef) ne dit pas non. Lancée en 1962, cette politique européenne visait à relancer la production alimentaire du continent en promettant des revenus décents aux agriculteurs. La promesse d’une « Europe sociale » commençait par là. Mais cet engagement n’a pas été tenu, jugent Francky et son syndicat. Les aides directes de la PAC, dans son fonctionnement actuel, sont accordées en fonction de la surface de l’exploitation. Or, en France, 20 % seulement des plus grandes exploitations françaises détiennent 52 % des terres agricoles, selon le plan stratégique national du ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire. Avec leurs 135 hectares, le couple ne fait pas le poids face aux mastodontes du secteur. Le duo bénéficie de 45 000 euros d’aides à se partager sur l’année. « Pourtant, assure Francky, il y a des exploitants qui peuvent toucher jusqu’à 300 000 euros. Il serait bien que l’on établisse un plafonnement des aides à 50 000 euros par unité de travail humain (UTH), estime l’éleveur de bovins, riche de propositions. On ne tient pas compte non plus de la main-d’oeuvre et de l’emploi que l’on crée pour l’attribution des aides directes. J’ai un salarié sur mon exploitation. S’il faisait partie du calcul de l’attribution des subventions, cela pourrait représenter plusieurs milliers d’euros d’aides supplémentaires. »
EXPLOSION DU PRIX DES FERTILISANTS
Réformer la PAC est donc indispensable pour le producteur, encore sous le choc de l’explosion de ses dépenses en fertilisants azotés. « Le prix de l’ammonitrate est passé de 250 euros la tonne en décembre 2020 à plus de 800 euros en décembre 2021. On doit aujourd’hui se situer autour des 500 euros la tonne », déplore Francky. Sans compter les distorsions de concurrence qu’apporterait un accord de libre-échange comme le Ceta, combattu par le Sénat et encore en attente d’un vote à l’Assemblée nationale.