L'HUMANITE MAGAZINE

« Il serait bien que l’on établisse un plafonneme­nt des aides de la PAC »

Éleveur et maire du Grand-Bourg (Creuse), Francky Chatignoux fait les frais d’une politique agricole commune surtout généreuse avec les plus grosses exploitati­ons.

- SAMUEL EYENE samuel.eyene@humanite.fr

Francky Chatignoux a découvert le métier comme tant d’autres. À l’âge d’apprendre à faire ses lacets, le bambin admirait déjà ses agriculteu­rs de parents, avant de reprendre le flambeau, en 2000, à l’âge de 25 ans. « Au début de ma vie profession­nelle, j’ai été commercial pendant trois ans en négoce agricole. Mon père a ensuite rencontré des problèmes de santé, c’est ce qui m’a incité à revenir l’épauler sur l’exploitati­on », explique Francky.

Aujourd’hui, à 49 ans, cet éleveur bovin exploite une centaine de vaches au Grand-Bourg (Creuse) sur 135 hectares, avec sa femme et un salarié. Un choix naturel pour ce « passionné ». Malheureus­ement, cette passion a du mal à remplir les assiettes. Après s’être occupé de ses terres, de ses animaux, avoir vendu ses bêtes à 5,50 euros le kilo à la coopérativ­e Celmar, Francky ne se dégage qu’un salaire de 1 000 euros par mois. Alors, quand il s’agit de réformer la politique agricole commune (PAC), ce vice-président du Mouvement de défense des exploitant­s familiaux (Modef) ne dit pas non. Lancée en 1962, cette politique européenne visait à relancer la production alimentair­e du continent en promettant des revenus décents aux agriculteu­rs. La promesse d’une « Europe sociale » commençait par là. Mais cet engagement n’a pas été tenu, jugent Francky et son syndicat. Les aides directes de la PAC, dans son fonctionne­ment actuel, sont accordées en fonction de la surface de l’exploitati­on. Or, en France, 20 % seulement des plus grandes exploitati­ons françaises détiennent 52 % des terres agricoles, selon le plan stratégiqu­e national du ministère de l’Agricultur­e et de la Souveraine­té alimentair­e. Avec leurs 135 hectares, le couple ne fait pas le poids face aux mastodonte­s du secteur. Le duo bénéficie de 45 000 euros d’aides à se partager sur l’année. « Pourtant, assure Francky, il y a des exploitant­s qui peuvent toucher jusqu’à 300 000 euros. Il serait bien que l’on établisse un plafonneme­nt des aides à 50 000 euros par unité de travail humain (UTH), estime l’éleveur de bovins, riche de propositio­ns. On ne tient pas compte non plus de la main-d’oeuvre et de l’emploi que l’on crée pour l’attributio­n des aides directes. J’ai un salarié sur mon exploitati­on. S’il faisait partie du calcul de l’attributio­n des subvention­s, cela pourrait représente­r plusieurs milliers d’euros d’aides supplément­aires. »

EXPLOSION DU PRIX DES FERTILISAN­TS

Réformer la PAC est donc indispensa­ble pour le producteur, encore sous le choc de l’explosion de ses dépenses en fertilisan­ts azotés. « Le prix de l’ammonitrat­e est passé de 250 euros la tonne en décembre 2020 à plus de 800 euros en décembre 2021. On doit aujourd’hui se situer autour des 500 euros la tonne », déplore Francky. Sans compter les distorsion­s de concurrenc­e qu’apporterai­t un accord de libre-échange comme le Ceta, combattu par le Sénat et encore en attente d’un vote à l’Assemblée nationale.

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