L'HUMANITE MAGAZINE

Cosette et les bandits en forêt de Bondy

- SABINE JEANNIN

À 17 kilomètres à l’est de Paris, partagée entre Clichysous-Bois, Coubron et Montfermei­l, s’étend la forêt régionale de Bondy. Terrain de chasse des rois de France puis repaire de brigands, ce massif forestier chargé d’histoire fut immortalis­é par Victor Hugo dans « les Misérables ».

Laissant la voiture sur le parking, côté Coubron, nous abordons la forêt régionale de Bondy, relique d’un immense arc boisé de 20 000 hectares qui couvrait autrefois une grande partie de l’Est parisien jusqu’à Fontainebl­eau. Peu à peu grignoté par l’exploitati­on forestière et l’urbanisati­on, le massif forestier, traversé par 15 kilomètres d’agréables allées, compte aujourd’hui un peu moins de 200 hectares. Propriété des rois de France qui venaient y chasser, lieu de promenade apprécié de la future Mme de Sévigné, puis refuge de brigands qui détroussai­ent les voyageurs, l’antique forêt se pare d’un imaginaire inquiétant. Mais elle inspire aussi le peintre Jean-Baptiste Camille Corot, qui plante son chevalet à Coubron, et plusieurs écrivains du XIXe siècle, parmi lesquels Victor Hugo, qui y lie les destins de Cosette et de Jean Valjean.

Située sur un plateau, la forêt de Bondy est composée essentiell­ement de feuillus caractéris­tiques de l’Île-de-France : chênes, charmes, hêtres, châtaignie­rs, bouleaux. Clairières, friches, sous-bois où le muguet est déjà presque en fleur, pelouses, aires de jeu, parcours Accrobranc­he… À suivre le sentier de Cosette, l’on s’égare quelque peu car il n’est pas très bien indiqué, mais qu’importe ! Avec le plan, on finit par trouver le vallon où se loge la guirlande des cinq étangs dont quatre portent le nom des filles d’un ancien propriétai­re : Dominique, Laurence, Isabelle et Virginie. Des pontons permettent d’observer la flore et la faune des roselières, le ballet des insectes ou le va-et-vient des oiseaux. Bifurquant à droite, nous sortons de la forêt pour gagner, de l’autre côté du boulevard Hardy, l’entrée du bois des Ormes, appendice de la forêt de Bondy. En suivant le sentier, nous nous retrouvons soudain au coeur de Montfermei­l.

UN RICHE ARBORETUM MONDIAL

Toujours en partie enclavé dans la forêt de Bondy, Montfermei­l a bien changé depuis que Victor Hugo y situait l’action de son roman. Ce « village dans les bois » « situé entre Livry et Chelles, sur la lisière méridional­e de ce haut plateau qui sépare l’Ourcq de la Marne », comptait 768 habitants en 1821. On en recense aujourd’hui près de 30 000. Difficile alors de retrouver le Montfermei­l d’antan… Et pourtant, autour de l’église Saint-Pierre-Saint-Paul, quelques rues nous donnent un aperçu du vieux Montfermei­l. Nulle trace de l’auberge Au sergent de Waterloo tenue par les Thénardier, tortionnai­res de la petite Cosette. Cependant, il existait en 1845, lorsque Victor Hugo s’arrêta à Montfermei­l, une auberge nommée Au soleil d’Austerlitz, située rue de la Halle, non loin de la vieille église. Il est probable que l’écrivain s’en soit inspiré pour imaginer celle des Thénardier. Rue de l’Église, nous longeons le château des Cèdres et poursuivon­s jusqu’à la Maison de l’horloge, qui abrite le musée des Métiers.

Le château des Cèdres, construit en 1640, aujourd’hui propriété de la commune, sert de cadre au spectacle historique son et lumière qui s’y déroule chaque été. Il est entouré d’un magnifique arboretum créé en 2006. Outre les vieux cèdres qui ont donné leur nom à la propriété, 160 arbres et arbustes d’essences diverses venus de tous les continents y prospèrent. Étagé sur le coteau, l’endroit incline des pelouses jusqu’aux terrains de jeu des enfants et à l’étang du Torrent-de-l’Abîme qu’une digue sépare en deux parties. La traversée de la digue permet d’explorer un milieu humide puis, en sortant par le Vieux Chemin de l’Abîme, de descendre vers la fontaine Jean-Valjean.

Cette source serait celle où la petite Cosette, terrorisée par les ombres glaciales de la nuit d’hiver, est envoyée puiser de l’eau par la mère Thénardier. Celle où la main généreuse de Jean Valjean l’aide à porter sa lourde charge et l’emporte vers un avenir lumineux. La fontaine, qui ne se situe plus dans les bois, a été réaménagée lors de la réalisatio­n de l’arboretum.

PANORAMA SUR LE BASSIN PARISIEN

Poursuivan­t la rue de la Fontaine-JeanValjea­n, nous rejoignons la rue des Moulins par le sentier de la Jarrie et la rue du Général-Leclerc. À l’extrémité de la rue, sur le rebord du plateau d’où surgit par moments un superbe panorama sur le Bassin parisien, le moulin de

EN 1845, IL EXISTAIT UNE AUBERGE NOMMÉE AU SOLEIL D’AUSTERLITZ, QUI A PROBABLEME­NT INSPIRÉ CELLE DES THÉNARDIER.

Montfermei­l, encore en état de marche, dernier survivant des moulins à vent du départemen­t, se dresse sur la colline du Sempin. Édifié sous Louis XV et reconstrui­t en 1818, le moulin à vent semble être en pleine campagne, entouré d’une immense prairie et surplomban­t le parc Jean-Pierre-Jousseaume. Il eut comme illustre meunier Jean-Baptiste Clément, auteur de l’immortelle chanson « le Temps des cerises ». Mais il est temps de regagner la forêt de Bondy (les grilles du parking ferment à 18 h 45 !), par le beau lavoir de la fontaine Lassault et le vieux Chemin de Coubron et de rentrer, du Hugo plein la tête.

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Ce domaine forestier de près de 200 hectares, où la future Mme de Sévigné aimait à se promener, inspira aussi le peintre Jean-Baptiste Camille Corot.

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