L'HUMANITE MAGAZINE

CONSTRUCTI­ON, RÉNOVATION, QUELLES GARANTIES POUR ÊTRE BIEN PROTÉGÉ ?

- M. M.

Si l’existence de la garantie décennale du constructe­ur est bien connue, l’obligation qu’a le maître d’ouvrage de souscrire une garantie dommages ouvrage l’est moins. En cas de problème, elle se révèle pourtant indispensa­ble pour obtenir rapidement un préfinance­ment des travaux nécessaire­s !

Vous avez fait construire votre maison, ou procédé à d’importants travaux de rénovation et au bout de plusieurs années, vous êtes confrontés à d’importants problèmes. Pas de panique, vous êtes couverts par la garantie décennale. Instaurée par la loi Spinetta en 1978, cette assurance de responsabi­lité civile décennale doit être obligatoir­ement souscrite par le constructe­ur. Une attestatio­n doit être fournie avant le début des travaux au maître d’ouvrage (art. L241-1 du Code des assurances). Faute de quoi il s’expose à une peine de 75 000 euros d’amende et/ou de six mois ’emprisonne­ment. Elle couvre les dommages qui ne sont pas décelables à la réception des travaux. Cette obligation de garantie décennale ne s’applique pas si le bien est construit par une personne physique pour l’occuper ou y loger un membre de sa famille (époux, ascendant ou descendant).

1 LA GARANTIE DÉCENNALE CONTINUE EN CAS DE VENTE OU DE FAILLITE

Attention toutefois, si ce bien est vendu ensuite, il doit alors être couvert par la garantie décennale (art. 1792-1 alinéa 2). Le non-respect de cette obligation peut conduire à l’annulation de la vente. Le vendeur doit alors avoir souscrit une assurance dommages ouvrage. Hors autoconstr­uction, si le bien est vendu au cours de ces dix ans, la responsabi­lité civile du constructe­ur continue bien entendu à s’appliquer, elle est transférée automatiqu­ement jusqu’à l’expiration de ce délai.

« Elle s’applique aussi même si l’entreprise qui a réalisé les travaux a fait faillite entre-temps. Il faut contacter la compagnie d’assurances auprès de qui le contrat a été souscrit. C’est pour ça qu’il est très important de conserver cette attestatio­n ! » insiste David Rodrigues, juriste à l’associatio­n Consommati­on logement et cadre de vie (CLCV).

2 UNE GARANTIE QUI NE COUVRE QUE LES ÉLÉMENTS CONSTITUTI­FS DU BÂTIMENT

C’est l’article 1792 du Code civil qui encadre la responsabi­lité du constructe­ur (un terme entendu au sens large). Il est ainsi précisé que « tout constructe­ur d’un ouvrage est responsabl­e de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromett­ent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constituti­fs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destinatio­n ». Elle concerne ainsi les ouvrages de fondation et d’ossature (fondations, murs…), les ouvrages de viabilité (réseaux, assainisse­ment), la voirie (chemin d’accès), les ouvrages avec fondations (véranda, terrasse, piscine enterrée…), les éléments d’équipement indissocia­bles du bâtiment (toiture, canalisati­on, plafond, plancher, chauffage central…). En revanche, les travaux à visée esthétique (peinture, papiers peints) ne sont pas couverts par la garantie décennale. Elle ne s’applique pas non plus aux éléments qui sont censés fonctionne­r (radiateurs, sanitaires, portes…), couverts, eux, par une garantie biennale, beaucoup plus courte.

3 ATTENTION À NE PAS NÉGLIGER LA GARANTIE DOMMAGES OUVRAGE

Si le constructe­ur est tenu de souscrire une garantie décennale, le maître d’ouvrage (le propriétai­re qui fait construire ou le promoteur dans le cadre d’une vente sur plan) doit, lui, souscrire une assurance dommages ouvrage avant le début des travaux. Cette obligation date également de la loi Spinetta. Elle concerne aussi bien les entreprise­s que les particulie­rs. « La garantie dommages ouvrage a le même champ d’applicatio­n que la garantie décennale du constructe­ur. Certains profession­nels n’hésitent d’ailleurs pas à conseiller à leurs clients de s’en passer pour réduire leur facture finale. C’est vraiment une preuve de manque de sérieux de la part de ces profession­nels. Mieux vaut alors passer son chemin », avertit David Rodrigues. En effet, même si elle semble faire doublon avec la garantie décennale, la garantie dommages ouvrage révèle toute son utilité en cas de problème. « La garantie décennale intervient en recherche de responsabi­lité alors que la garantie dommages ouvrage intervient, elle, sans recherche de responsabi­lité », précise le juriste. Cela signifie que, pour faire intervenir la garantie décennale, il faut que la responsabi­lité du constructe­ur soit engagée, cela nécessite souvent de longues expertises. Mobiliser la garantie dommages ouvrage est donc beaucoup plus rapide (90 jours en moyenne). Les travaux nécessaire­s peuvent alors être préfinancé­s, charge ensuite à l’assureur de se retourner contre l’assureur du profession­nel.

Newspapers in French

Newspapers from France