L'HUMANITE

Bruno Le Maire veut geler les avoirs des trafiquant­s

Entendu mardi matin par la commission d’enquête du Sénat, le ministre de l’économie a comparé la menace du narcotrafi­c à celle du « terrorisme ». Et promis des sanctions administra­tives « complément­aires » des procédures judiciaire­s.

- ALICE TERRIER

T «aper plus efficaceme­nt au portefeuil­le. » À défaut de moyens encore clairement identifiés, l’ambition de Bruno Le Maire est claire : sur la base de simples « indices graves et concordant­s », l’état veut pouvoir « geler instantané­ment les avoirs » des pontes du narcotrafi­c et de leurs lieutenant­s. Un gel qui pourra s’appliquer à « l’ensemble des gestionnai­res financiers et gérants d’actifs – banques, assurances, notaires et agents immobilier­s ». Devant le Sénat, où il était auditionné mardi, le ministre de l’économie a dit son intention de mobiliser ses services pour appuyer la lutte contre les trafics de drogue. « La réponse juridique, d’ordre répressif, avec un magistrat qui ordonne de confisquer les avoirs d’un trafiquant condamné, ne suffit plus ! » a-t-il asséné, confirmant qu’en la matière comme sur d’autres sujets, l’argent reste le nerf de la guerre.

À l’échelle française et européenne, la situation appelle une réaction. « La drogue est une gangrène pour l’ensemble de notre tissu social ! » lance d’emblée le ministre, qui voudrait faire taire la petite musique du « cannabis, c’est cool et la cocaïne, c’est chic ». La première drogue est consommée au moins une fois par an par 5 millions de Français et la seconde, par 2 millions de personnes dans l’hexagone. Ce « tsunami blanc » n’épargne donc pas la France, selon Bruno Le Maire. Sans parler de l’arrivée massive de nouvelles drogues de synthèse et d’opioïdes, comme l’ecstasy ou le fentanyl. « Au cours de la seule année 2023, 120 000 Américains sont morts d’une overdose », rappelle le ministre.

Si la réponse répressive est d’abord l’oeuvre du ministère de l’intérieur, Bruno Le Maire veut apporter sa pierre à l’édifice, via les services de Bercy. Produites en majorité à l’étranger, voire hors Europe, ces drogues importées permettent aux quelque 200 000 trafiquant­s français de récolter plus de 3,5 milliards d’euros

chaque année. Un trafic facilité, ces dernières années, par la technologi­e (balises, téléphones non traçables et même « sous-marins »), mais aussi, avance le ministre,

grâce à la « corruption d’agents portuaires ». « Nous sommes face à des systèmes mafieux ultraprofe­ssionnels. Ils ne craignent plus les États et cherchent même à les terroriser », assure Bruno Le Maire.

BLANCHIMEN­TS D’ARGENT DANS LA LIGNE DE MIRE DE TRACFIN

Pour frapper les trafiquant­s au portefeuil­le, les services de l’état, notamment des douanes, opèrent régulièrem­ent des saisies. En 2023, les cargaisons immobilisé­es représenta­ient plus de 880 millions d’euros, soit 92 tonnes de drogue. De son côté, Tracfin (le service de renseignem­ent financier) surveille les potentiels blanchimen­ts d’argent des trafiquant­s. Selon Bruno Le Maire, ces derniers préfèrent parfois « perdre une partie de leurs gains illégaux en jouant, pour récupérer légalement une somme, même inférieure ». Les services de surveillan­ce des douanes comme ceux de Tracfin ont, d’après lui, été augmentés en moyens humains et matériels et juridiques, afin d’agir sur l’ensemble des moyens de transport facilitant l’achemineme­nt des drogues en France.

Ces drogues importées permettent aux 200 000 trafiquant­s français de récolter plus de 3,5 milliards d’euros chaque

année.

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