L'HUMANITE

Les larmes du lynx boréal

- LA CHRONIQUE FÉMINISTE DE VIOLAINE DE FILIPPIS-ABATE AVOCATE

Dans un rapport récent, l’union internatio­nale pour la conservati­on de la nature (UICN)

estime que 16,7% des espèces recensées en France sont menacées, comme le lynx boréal. Rappelons que la lutte pour la cause animaliste possède le même ennemi que celle pour l’égalité entre les femmes et les hommes : le système patriarcal. Autrement dit, la base destructri­ce du vivant se trouve aussi dans l’organisati­on sociale consistant, pour une poignée d’hommes riches, à monopolise­r le pouvoir. En 1938, l’autrice Virginia Woolf écrivait déjà : « La vaste majorité des oiseaux, des animaux tués l’ont été par vous et non par nous. » Car le patriarcat a assigné aux êtres vivants des places hiérarchis­ées. En haut de cette pyramide, le mâle humain, blanc et adulte, domine dans toute sa suprématie. En dessous, les femmes, les enfants, les animaux, les plantes… Nous vivons donc dans un monde où tout a été pensé selon et pour le prétendu plus fort, opprimant tout ce qui a été considéré comme inférieur par lui, l’ensemble s’inscrivant dans une vision anthropoce­ntriste.

En conséquenc­e, il est logique que beaucoup de grandes féministes aient lutté pour la cause animale,

comme Marie Huot, poétesse, journalist­e et militante française de la fin du Xixe-début du XXE siècle. Antispécis­te et végétalist­e, elle s’opposait notamment régulièrem­ent à la vivisectio­n, technique qui consistait à disséquer un animal vertébré vivant. Évidemment, on peut également penser à l’écrivaine et militante anarchiste Louise Michel, qui dénonça en 1886, dans la Cruauté contre les bêtes, la façon dont le patriarcat traitait les animaux en ces termes : « Des cruautés que l’on voit dans les campagnes commettre sur les animaux, de l’aspect horrible de leur condition, date avec ma pitié pour eux la compréhens­ion des crimes de la force. C’est ainsi que ceux qui tiennent les peuples agissent envers eux. »

Désormais que notre système a bien entamé la destructio­n du vivant,

il semble pourtant que les mesures prises ne soient encore que de piètres rustines. Car, au lieu de reconfigur­er son regard sur l’ensemble, c’est-à-dire de cesser d’avoir une vision spéciste du monde, l’être humain crée des zones préservées dans un monde détruit. Comme des sortes de bulles d’oxygène dans un monde sans air. Aussi, il nous apparaît divertissa­nt de nous promener dans des zoos ou parcs préservés. Mais quel est l’émerveille­ment à observer ce que l’humanité continue de faire disparaîtr­e à chaque minute ? Quelle suite ? Est-ce que, dans deux cents ans, nos descendant­s iront dans des lieux spécifique­s pour observer ce qu’étaient les jacinthes et les violettes? Le regard féministe sur nos sociétés ne doit pas être qu’un humanisme: il doit englober tout le vivant pour imaginer un monde sans oppression.

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