L'HUMANITE

Chercher la véritable cause du licencieme­nt

- LA CHRONIQUE JURIDIQUE DE PAULINE LE BOURGEOIS AVOCATE

Employée depuis dix-neuf ans, une coiffeuse coloriste a développé un asthme allergique

du fait de son exposition récurrente aux produits de coloration et aérosols et de l’insuffisan­ce de ventilatio­n du salon de coiffure où elle travaillai­t. Reconnue en invalidité, la salariée a été placée en mi-temps thérapeuti­que en 2017. Son état de santé ne cessant de se dégrader, elle a déclaré, en mai 2018, l’asthme en maladie profession­nelle auprès de la CPAM (assurance-maladie).

Durant son arrêt maladie, la salariée a consulté le médecin du travail, qui a préconisé une étude de poste

et annoncé à l’employeur une visite de reprise fixée en octobre 2018. Parfaiteme­nt informé de l’état de santé dégradé de la salariée et souhaitant déjouer les effets d’un probable licencieme­nt pour inaptitude, l’employeur a convoqué cette dernière en septembre 2018, avant même la visite de reprise, à un entretien préalable à un licencieme­nt pour motif économique. Prétextant la cessation de son activité et sans faire aucune recherche préalable de reclasseme­nt, l’employeur lui a notifié son licencieme­nt pour motif économique, deux jours après la date initialeme­nt fixée pour la visite de reprise. Deux semaines après ce licencieme­nt, la maladie profession­nelle de la salariée a été reconnue.

Deux semaines après le licencieme­nt, la maladie profession­nelle de la salariée a été reconnue.

La salariée a saisi le conseil de prud’hommes

pour demander la nullité de son licencieme­nt, soutenant que la cause véritable reposait exclusivem­ent sur son état de santé. Dans un premier temps, le conseil de prud’hommes a jugé que l’employeur, propriétai­re de quatre autres salons et d’une école de coiffure, n’a pas effectué la moindre recherche de reclasseme­nt préalablem­ent au licencieme­nt. Cet élément rendait à lui seul le licencieme­nt sans cause réelle et sérieuse. Le conseil de prud’hommes a ensuite vérifié la cause exacte du licencieme­nt selon le régime de preuve spécifique au contentieu­x de la discrimina­tion. Au vu de la concomitan­ce du licencieme­nt pour motif économique et du recours de la salariée pour faire reconnaîtr­e l’asthme en maladie profession­nelle, le juge a estimé qu’il appartenai­t à l’employeur de démontrer l’absence de lien entre la discrimina­tion dénoncée par la salariée et le licencieme­nt de celle-ci.

Faute de justificat­ion d’absence de tout lien entre le licencieme­nt et l’état de santé de la salariée,

le conseil de prud’hommes a conclu à la nullité du licencieme­nt. Or, en cas de licencieme­nt nul, le « barème Macron » limitant le montant des dommages et intérêts est écarté. L’employeur a, ainsi, été condamné à verser à la salariée vingt mois de dommages et intérêts pour licencieme­nt nul, alors que, selon le barème applicable en cas de licencieme­nt sans cause réelle et sérieuse, l’indemnité aurait été limitée à quinze mois de salaire.

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