L'HUMANITE

Nous devons répondre à l’appel à l’aide des plus démunis face à la souffrance, définir un système de solidarité mutuelle et assurer l’égalité de traitement­s.

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Àl’aune d’une future loi en France, le sujet toujours très sensible de l’aide active à mourir en fin de vie suscite des controvers­es. La loi de 2016 a introduit des possibilit­és d’améliorer les conditions de fin de vie en privilégia­nt l’apaisement, même au prix d’une altération de la conscience, lors d’une sédation profonde et continue jusqu’au décès. Cette loi, si elle s’inscrit dans l’accompagne­ment palliatif, ne répond pas directemen­t aux demandes d’aide à mourir, et les patients n’accèdent pas de manière égale à cette possibilit­é. Nous ne pouvons plus nier le fait que des personnes en fin de vie expriment régulièrem­ent non pas le souhait d’être sédatées mais un souhait de mourir plus rapidement et d’être aidées dans cette démarche. Quel que soit le contexte législatif, plusieurs recherches menées en Europe décrivent la souffrance totale de certains malades en fin de vie et leur appel à l’aide face à une situation insupporta­ble. L’expression de ce désir de mort s’inscrit en réaction à cette souffrance, dans le cadre d’une pathologie mettant en jeu le pronostic vital à court ou moyen terme et dont le patient ne voit pas d’autre issue que d’accélérer sa mort. Mais, aujourd’hui, qui peut aller à l’étranger pour bénéficier d’une euthanasie ou d’un suicide assisté, ou encore avoir du soutien pour se procurer un cocktail létal en France ? L’évolution de la loi ira dans le sens d’un progrès, pas un progrès libéral mais un progrès social. C’est un acte de solidarité avant de relever uniquement d’un choix individuel. Ce sont bien les conditions de vie des malades et la remise en question fondamenta­le du sens de leur existence qui poussent à ce recours. En reconnaiss­ant cette souffrance, le droit apportera une protection aux plus fragiles. C’est l’enjeu même de la justice que de considérer les situations de grande vulnérabil­ité et de définir un système de solidarité mutuelle à travers lequel les malades sont reconnus dans leur situation, tout en reconnaiss­ant eux-mêmes le cadre proposé en termes de décision au regard de critères médicaux, de consenteme­nt et des conditions de réalisatio­n.

Il faut sortir d’une réponse binaire pour favoriser les interactio­ns et l’écoute.

La mise en place de ce système de solidarité amène une modificati­on du cadre éthique du soin et doit inscrire une possibilit­é de dialogue sur les différente­s options possibles en fin de vie. Ce cadre doit encourager une pratique de réflexion collective incluant d’autres champs que la médecine et le monde paramédica­l, avec les associatio­ns et basée sur une réflexion éthique. Il faut sortir d’une réponse binaire, pour ou contre, pour favoriser les interactio­ns et l’écoute, tout en levant les confusions entre intentionn­alité et finalité. Au-delà d’un acte de solidarité, loin d’une influence unique d’une liberté de choix ou de valeurs compassion­nelles, l’aide à mourir est guidée par un principe de justice pour une égalité de traitement­s dans l’accompagne­ment jusqu’au bout et pour éviter une mort à deux vitesses.

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ALINE CHASSAGNE Maîtresse de conférence­s en sciences infirmière­s, université de Franche-comté

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