L'HUMANITE

Joanna, le chant de la résurrecti­on

Imprégné de poésie et de féminisme, Where’s the Light ?, le nouvel album de la jeune artiste indépendan­te, oscille entre l’expériment­al et la pop électro. Elle y évoque ses luttes intérieure­s.

- MARGOT BONNÉRY

Retrouver la lumière. Dans les jardins de l’hôtel particulie­r Montmartre, adossée à un mur en pierre recouvert de lierre, Joanna raconte le parcours qui l’a menée à composer Where’s the Light ?, son deuxième opus, dont les sujets demeurent encore tabous. « De la première chanson à la dernière, je passe progressiv­ement du très sombre au plus lumineux : l’album raconte le parcours, les embûches et les épiphanies que l’on peut rencontrer pour se sortir de la dépression », égraine la chanteuse au regard perçant.

SES TEXTES FONT SA FORCE

Venue de la campagne bretonne, l’artiste de 26 ans s’est longtemps vu fermer les portes de l’industrie musicale. Car aujourd’hui, pour vivre de sa musique, il faut acquérir en amont de la notoriété sur les réseaux sociaux. Vêtue d’une de ses robes de scène, les cheveux longs et la frange couvrant son front, Joanna déplore la situation. « Avant, on se faisait repérer dans la vraie vie, soupire-t-elle. Nous sommes en plein tournant, car seules les chansons commercial­es fonctionne­nt désormais. Elles dépendent du nombre de nos abonnés sur Internet. » Après un premier album, Sérotonine (2021), qui retrace l’évolution d’une histoire d’amour, la chanteuse s’essaye à un genre musical « de niche », qui oscille entre l’expériment­al et la pop électroniq­ue. Depuis qu’elle a adopté ce style, « il est rare qu’on aille (la) chercher pour faire la promotion de (son) nouvel album ».

Pourtant, ses chansons parlent, elles constituen­t sa force. Comme avec le titre Ce n’est pas si grave, qui raconte l’après d’une agression sexuelle du point de vue de la victime. Car, même si la société progresse, le viol reste encore trop peu criminalis­é. « Vivre une agression sexuelle est d’une extrême violence, appuie Joanna, et lorsqu’on se trouve seule face à ce qu’on a vécu, on a tendance à culpabilis­er. » À travers ce morceau, elle dénonce l’impunité des violeurs. Et si un potentiel futur agresseur écoute cette musique, « c’est une manière un peu douce de lui faire comprendre ce qu’on peut ressentir». Cette chanson, une partie de la jeunesse l’a faite sienne. «Mon public se l’est appropriée, pas forcément pour se protéger des autres, mais pour se défendre face à ce dialogue intérieur qui nous tenaille. Je suis fière que ce titre ait cette destinée», continue-t-elle en se remémorant la première fois qu’elle l’a chanté sur scène, à la Maroquiner­ie, à Paris. Aujourd’hui, pour le plus grand bonheur de Joanna, Ce n’est pas si grave passe à la radio : un autre pas dans la lutte contre les violences faites aux femmes.

« L’INTERSECTI­ONNALITÉ EST LA CLEF »

Le doux soleil de midi apparaît, comme s’il entendait les mots de Joanna et sa recherche de clarté. Pour s’extirper d’une vision mélancoliq­ue, l’artiste utilise Where’s the Light ? comme une arme contre ce qui nous ronge ou nous oppresse. Il en ressort une oeuvre éminemment féministe. Pourtant, c’est assez tard qu’elle découvre ce terme. « Je viens d’un milieu où je n’avais pas accès à certaines réflexions, raconte la jeune femme en ajustant sa veste grise. Avant la fac, je n’étais pas consciente de ce sentiment d’illégitimi­té que je ressentais, celui de devoir prendre soin des autres en tant que femme, ou encore de ne pas avoir assez de caractère pour m’imposer. » Grâce au Deuxième Sexe, de Simone de Beauvoir, la chanteuse, alors étudiante à Rennes, s’est plongée dans une introspect­ion. « Dès lors, j’ai eu l’impression de commencer à vivre. Avant cela, je me sentais éteinte, je n’arrivais pas à m’exprimer. Le féminisme m’a énormément aidée et on le ressent dans les thématique­s de mes chansons. »

Joanna se sert de sa notoriété pour partager ses combats contre les inégalités de classe, l’homophobie ou encore le racisme. Pour elle, « l’intersecti­onnalité est la clef ». Menton posé sur la paume, la chanteuse se souvient de son passage sur la scène Zebrock-nina Simone à la Fête de l’humanité, en 2021 : « J’étais honorée d’y participer car je trouve qu’il est magnifique de rassembler des artistes et des personnes politisées. On est fier de jouer dans cette Fête. »

Désormais, l’envoûtante chanteuse au verbe haut attend avec impatience le 10 avril, pour un show onirique au Trianon, à Paris, qui lui permettra de porter ses combats et sa quête de liberté.

La chanteuse se sert de sa notoriété pour partager ses combats contre les inégalités, l’homophobie, le racisme.

 ?? THÉO HERBAUT POUR
L’HUMANITÉ ?? Joanna se produira sur la scène du Trianon, à Paris, le 10 avril.
THÉO HERBAUT POUR L’HUMANITÉ Joanna se produira sur la scène du Trianon, à Paris, le 10 avril.

Newspapers in French

Newspapers from France