Déni de trafic mondialisé
Lassé, meurtri, Ahmed Aboutaleb, le maire de Rotterdam, démissionne après quinze ans de bons et loyaux services auprès de ses concitoyens. Dans le port de Rotterdam, il n’y a pas que des marins qui chantent et les rêves qui les hantent. Les narcotrafiquants font vaciller les gouvernements néerlandais successifs et mettent en danger l’état de droit en menaçant de mort les responsables politiques, comme l’ancien ministre de la Justice. Malgré des saisies record parmi les livraisons portuaires, les autorités néerlandaises sont face à des organisations transnationales hypercapitalistes qui ont pour chair à canon des jeunes mineurs, des sans-papiers et des sansdroits. Le maire social-démocrate de Rotterdam, qui fut l’autre meilleur maire du monde à mes côtés, en 2021, est même allé tirer le fil de ce trafic mondialisé jusqu’en Amérique du Sud en se rendant au Pérou, pays producteur de cocaïne, et en Équateur, pays de transit. L’état s’y est effondré sous la pression des bandes criminelles et la maire de San Vincente vient d’y être assassinée. Ahmed Aboutaleb résume: «Un gramme de cocaïne en Europe, c’est un mort en Amérique latine. »
En bons capitalistes, les narcotrafiquants misent sur une politique de l’offre renouvelée. Le trafic de cocaïne, la drogue des élites, risque d’être dépassé par des produits de synthèse. Dans leur laboratoire, des «cuisiniers» rivalisent de manipulations moléculaires pour créer les drogues de demain, toujours plus destructrices et moins chères. Le fentanyl, 50 fois plus ravageur que l’héroïne, décime les États-unis avec un mort toutes les sept minutes. Et son arrivée en Europe n’est qu’une question de temps. En France, nos villes sont le théâtre de violences d’une économie souterraine avec l’exploitation de mineurs de moins de 10 ans pour faire vivre des supérettes de la drogue. Les politiques de prévention sont réduites comme une peau de chagrin au profit d’opérations de communication où l’on montre les muscles, comme celle du gouvernement à Marseille, avant que les dealers ne reprennent le terrain.
Face à cette menace mondialisée de la drogue, aux côtés des politiques de lutte contre le terrorisme, il est urgent de protéger les citoyens et l’état de droit contre les narcoorganisations. L’italie a mis en place des lois antimafia qui pourraient faire école, en saisissant les biens des patrons de la mafia. Avant de quitter la scène politique, lors du Forum européen de la sécurité urbaine de Bruxelles du 20 mars, intitulé « Sécurité, démocratie, villes », Ahmed Aboutaleb a lancé un appel à des coopérations sur la santé, la justice, la police et les douanes. Pour mettre fin à ce déni de trafic mondialisé, afin qu’on ne meure plus de la drogue sur les trottoirs de Rotterdam, de Marseille ou de Lima.