« Réduire les droits n’a aucun effet sur l’emploi »
Membre du bureau confédéral de la CGT, Denis Gravouil analyse la politique menée par le pouvoir macroniste à l’encontre des chômeurs, alors que de nouvelles attaques se profilent.
Le gouvernement justifie la nécessité d’un nouveau tour de vis sur l’assurancechômage par le « dérapage » des comptes publics : qu’en pensez-vous ?
Que le gouvernement n’assume jamais ses responsabilités. En quoi les chômeurs ont-ils joué un rôle dans la hausse du déficit que l’exécutif a été incapable de prévoir ? C’est la politique économique du gouvernement qui est en échec : les saignées libérales n’ont pas produit leurs effets et voilà qu’ils nous expliquent que nous aurions besoin de nouvelles saignées. Toutes les études montrent que la réduction des droits des chômeurs, fil rouge de la politique macroniste, n’a aucun effet sur le niveau de l’emploi. En revanche, on sait que ces réformes ont favorisé l’appauvrissement des personnes concernées.
Dans l’histoire de la Ve République, aucun chef d’état n’avait autant réformé l’assurance-chômage : quelle est la logique poursuivie ?
Il s’agit à la fois de réaliser des économies sur le dos de la protection sociale, tout en obligeant les privés d’emploi à accepter des emplois dégradés. Dans les États autoritaires, les pouvoirs en place inventent les chiffres. Dans les États démocratiques, ils mettent en avant les chiffres qu’ils veulent. L’exécutif ne cesse de communiquer sur le taux de chômage au sens du Bureau international du travail (BIT) ou sur les inscrits à Pôle emploi comptabilisés dans la catégorie A, c’est-à-dire des gens qui n’exercent aucune activité. Les catégories B et C (personnes exerçant une activité réduite) sont invisibilisées dans le débat public, or ce sont celles qui ont le plus augmenté depuis les années 1980. D’ailleurs, lorsque les gens quittent la catégorie A, c’est souvent parce qu’ils ont retrouvé un petit boulot, ce qui les fait basculer dans les autres catégories. Cette précarité n’est jamais montrée.
Depuis plusieurs semaines, le gouvernement semble cibler spécifiquement les seniors...
Jusqu’en 2021, les premières victimes des réformes de l’assurance-chômage étaient les travailleurs précaires, notamment les jeunes qui mettent des années à trouver un emploi stable après leurs études. Depuis, on voit que le gouvernement s’en prend à de nouvelles cibles. Depuis le 1er février 2023, la durée maximale d’indemnisation a été réduite par décret de 25 % : les plus touchés sont les seniors. Je veux insister sur les effets combinés de la réforme des retraites et de cette baisse de la durée d’indemnisation. De nombreux chômeurs âgés de 55 ans et plus vont se retrouver avec 27 mois d’allocations seulement, contre 36 mois dans l’ancien système. Ils vont donc perdre neuf mois de chômage, mais ils risquent aussi de se voir privés D’ASS (allocation de solidarité spécifique, destinée aux chômeurs en fin de droits – NDLR), que le gouvernement a promis de supprimer. Enfin, ils subiront les effets du report de l’âge de départ à la retraite. Autrement dit, des milliers de chômeurs âgés d’une soixantaine d’années risquent de se retrouver sans rien. Il y a là un risque social considérable, qui peut se doubler d’un risque politique dans la perspective des élections de 2027 : on sait à quel point la précarisation peut alimenter le vote d’extrême droite.