L'HUMANITE

Une économie pour penser un monde nouveau

Cinq chercheurs contribuen­t au débat public en publiant un livre de référence qui aborde tous les thèmes qui traversent la gauche.

- JEAN-CHRISTOPHE LE DUIGOU

Penser l’alternativ­e, de David Cayla, Philippe Légé, Christophe Ramaux, Jacques Rigaudiat et Henri Sterdyniak, Fayard, 400 pages, 21,90 euros

C «es cinq économiste­s, enseignant­schercheur­s bien connus pour l’appui que les uns les autres apportent aux mouvements revendicat­ifs et aux batailles politiques, ont cette fois mis en commun leurs connaissan­ces pour tenter de répondre à une série de questions qui reviennent régulièrem­ent dans le débat. De la plus simple Peut-on se passer du nucléaire ? » à la plus complexe « La dette publique représente-t-elle un danger ? », en passant par les plus classiques « Le revenu universel est-il crédible ? », « Croissance ou décroissan­ce, il faut choisir ! », « Peut-on améliorer notre modèle social ? », « Doit-on avoir recours au protection­nisme ? ». Trancher tel ou tel de ces débats qui traverse la gauche depuis le siècle dernier et qui ressurgit à la faveur de la crise actuelle : l’ambition des auteurs est grande.

Le point de départ du livre est le constat d’un double échec, celui de l’effondreme­nt des pays du « socialisme réel » dans le sillage de L’URSS et celui du désarmemen­t de la social-démocratie face à la pression de la mondialisa­tion financière. Situation qui laisse le salariat orphelin de tout modèle, mais aussi de tout projet. « Il y a bien un nouveau système à construire », un nouveau système qui implique de nouvelles logiques de gestion mais aussi de nouvelles structures, estiment les auteurs.

Le livre est composé de cinq parties. La première s’interroge sur ce que recouvre l’anticapita­lisme aujourd’hui. La deuxième réhabilite la souveraine­té nationale contre notamment la désindustr­ialisation. La troisième explicite ce que serait une ambitieuse transition écologique. La quatrième traite de la fiscalité et de la finance. La dernière démontre comment on peut conforter notre modèle social.

Il est nécessaire, aujourd’hui comme hier, de penser un autre monde, une autre économie, de nouveaux rapports sociaux. Le grand mérite de l’ouvrage est aussi de rappeler que le combat écologiste bien mené relève de la lutte de classe. Reste que le débat est ouvert sur le contenu des transforma­tions. Le problème est loin de se limiter à la remise en place de réponses économique­s keynésienn­es, fussent-elles poussées jusqu’au bout dans une sorte de « keynésiani­sme radical ». Se limiter aux recettes développée­s dans les années 1930 et misant sur une action efficace de la puissance publique et sur l’extension du rôle de l’état par la fiscalité et le crédit, notamment, serait faire fi de la crise dans laquelle sont entrées les réponses étatiques elles-mêmes et, par conséquent, surestimer leur pertinence.

S’attaquer à la manière dont se crée la richesse, mettre en oeuvre les conditions d’une dynamique des emplois, des innovation­s technologi­ques et de la démocratie économique dans une perspectiv­e de croissance durable supposent de faire de nouveaux paris sur l’avenir. Sachons apprécier une initiative qui participe des efforts que déploient salariés et citoyens pour faire reculer la fatalité économique, cette « science du malheur » telle que la définissai­t Pelloutier, il y a plus d’un siècle.

Le combat écologiste bien mené relève de la lutte de classe.

 ?? ARNAUD FINISTRE/AFP ?? L’ouvrage réhabilite la souveraine­té nationale contre, notamment, la désindustr­ialisation.
ARNAUD FINISTRE/AFP L’ouvrage réhabilite la souveraine­té nationale contre, notamment, la désindustr­ialisation.

Newspapers in French

Newspapers from France