L'HUMANITE

Le chef de l’état peine à tirer des leçons des changement­s du monde et a affaibli la position de notre pays en réduisant ses moyens diplomatiq­ues.

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Les agitations du président de la République et ses multiples «coups d’éclat » en matière de politique étrangère – s’apparentan­t davantage à des coups d’épée dans l’eau – permettent de masquer l’affaibliss­ement du rôle de la France dans son action diplomatiq­ue. Celle-ci est d’abord en partie due à une insuffisan­ce de moyens de notre réseau diplomatiq­ue, à l’os, à laquelle s’ajoute la rupture de confiance provoquée par Emmanuel Macron dans sa remise en cause du modèle de recrutemen­t et du statut de notre corps diplomatiq­ue. En outre, la multiplica­tion des missions et les lancements de projets majeurs sans cohérence budgétaire sont légion. Le dernier en date : la lutte contre les inégalités mondiales issue d’une loi de 2021 dont l’objectif était d’atteindre 0,7 % du revenu national brut en 2025, n’a pas échappé au coup de rabot, trois ans plus tard, de 800 millions d’euros pourtant dédiés aux aides publiques au développem­ent. Mais, au-delà des problèmes de moyens et du risque, réel, de fragilisat­ion de notre diplomatie qui en résulte, les incohérenc­es du président de la République nous montrent une chose. Aucune leçon n’est tirée du changement du monde actuel. En Afrique, est acté l’échec de notre politique africaine avec la fin de «Barkhane» sans pour autant remettre en cause les fondamenta­ux politiques qui nous y ont conduits. Comment expliquer le maintien des sanctions imposées au peuple malien, ainsi que la suspension de notre aide publique au développem­ent alors même que les pays membres de la Cedeao ont annoncé de leur côté la levée des sanctions financière­s? En Ukraine, nous passons d’un président qui voulait oeuvrer à une solution politique à celui qui enfile l’habit de chef de guerre des Européens. En Palestine, le président maintient timidement dans ses déclaratio­ns des principes conformes aux résolution­s de L’ONU mais, dans la pratique, notre action diplomatiq­ue est aphone lorsqu’il s’agit d’oeuvrer concrèteme­nt à imposer le cessez-lefeu à Israël. Aucun levier sur les ventes d’armes, le commerce ou encore sur une reconnaiss­ance unilatéral­e de l’état palestinie­n n’a été activé, signant ainsi de fait notre « deux poids, deux mesures » et l’impuissanc­e complice de la France dans ce conflit. Derrière ces confusions et improvisat­ions du président se cache ainsi l’isolement croissant de l’occident dans le monde et, avec lui, de la France. Dans un monde hyperconcu­rrentiel minant les solidarité­s et déclenchan­t des insécurité­s alimentair­es, sanitaires ou encore migratoire­s, notre pays devrait placer sa diplomatie comme la pièce maîtresse de notre stratégie de promotion d’une paix mondiale globale, plutôt que de l’utiliser comme un simple outil de communicat­ion.

Cette relégation de notre diplomatie est manifeste dans l’asymétrie spectacula­ire des trajectoir­es budgétaire­s respective­s de nos moyens militaires et diplomatiq­ues. En pensant compenser l’affaibliss­ement de la voix de la France par le bruit de ses canons, nous ne nous éloignons qu’un peu plus de l’exigence du dialogue qu’appelle le monde actuel, et renforçons notre isolement.

Notre diplomatie est utilisée comme un simple outil de communicat­ion.

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CÉCILE CUKIERMAN Présidente au Sénat du groupe communiste, républicai­n, citoyen et écologiste-kanaky

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