L'HUMANITE

Le difficile début de campagne de Marie Toussaint

EUROPÉENNE­S Désignée dès juillet 2023, la tête de liste écologiste peine à être audible. Alors que les sondages la donnent entre 7 et 8 %, elle a tenté un coup, jeudi, pour les cent ans de Totalenerg­ies, via une action au siège du pétrolier.

- EMILIO MESLET

Un anniversai­re sans bougie mais en musique. Au pied de la tour Totalenerg­ies à la Défense, une vingtaine de personnes, tout de noir vêtues, se tiennent droites. Malgré une enceinte défaillant­e, un tic-tac musical démarre façon horloge et temps qui passe. « Produire. Produire. Produire »,

slame une voix off. Les bonshommes en noir croisent et décroisent les bras ; ils s’accroupiss­ent devant un écriteau «Fossiles» cerclé de billets noirs. Des militants habillés en vert déboulent, drapeau européen en main, avec pour leur part un écriteau « Climat » entouré de billets verts. Et soudain, les danseurs en noir se découvrent pour laisser apparaître leur tee-shirt vert. Le monde serait-il sauvé ?

UNE MESURE POUR EXISTER

Emmitouflé­e dans une écharpe bleue Europe, Marie Toussaint, tête de liste écologiste aux européenne­s, et ses colistiers déploient une banderole : « Reprenons Total en main », alors que la multinatio­nale fête ses cent ans. Au micro, l’eurodéputé­e de 36 ans vend sa « mesure emblématiq­ue » : un fonds de souveraine­té écologique européen piloté par la Banque européenne d’investisse­ment (BEI).

Les camions de CRS sont venus pour rien. L’action symbolique – déclarée en préfecture – est à mille lieues de la radicalité du mouvement climat observée ces derniers mois. Et la candidate Verte repart non pas en garde à vue, mais pour une conférence de presse. Elle y explique sa propositio­n de faire racheter les actions des entreprise­s fossiles européenne­s par la BEI. L’objectif ? « Réorienter les stratégies » vers les énergies renouvelab­les. Une sorte de nationalis­ation, mais à l’échelle européenne. « Ce n’est pas à l’économie de dicter nos règles », martèle Marie Toussaint, qui espère là (re)lancer une campagne morose où elle plafonne autour de 7 à 8 % dans les intentions de vote.

« Je sens que beaucoup oeuvrent pour qu’on ne parle ni d’europe ni d’écologie dans cette campagne », relève Marine Tondelier, secrétaire nationale des Écologiste­s. Seule la crise des agriculteu­rs, où ils étaient au coeur du débat, a pu faire décoller la liste. « Jamais on ne nous avait autant tendu le micro. Cette séquence nous a permis de raconter un autre récit sur l’agricultur­e », note l’eurodéputé et paysan Benoît Biteau. Pour exister, les Verts veulent donc cliver et se servent de Totalenerg­ies comme épouvantai­l, ficelle bien connue en interne. « Quand on assume le clivage, on reprend généraleme­nt des couleurs, théorise le sénateur Thomas Dossus. L’enjeu est d’amener le débat sur nos sujets : notre électorat veut plus d’europe et plus d’écologie. » Alors, va pour « écolos versus pollueurs ».

Suffisant pour rééditer l’exploit de 2019 quand, annoncés entre 6,5 et 9 %, les Verts ont in fine atteint les 13,5 % ? « Nous sommes sur une trajectoir­e qui pourrait nous permettre de stabiliser notre nombre d’eurodéputé­s (12 – NDLR), malgré la République des sondages », mesure Benoît

Biteau. Et ce malgré un contexte politique complèteme­nt différent : «À l’époque, on était portés par les marches pour le climat. Aujourd’hui, on est en position plus défensive et on a parfois tendance à se cacher derrière notre carapace », observe Thomas Dossus.

« On doit être capables de montrer que l’écologie n’est pas un truc d’urbains qui vont à l’amap. Mais dans le duel médiatique Rnrenaissa­nce, ça ne passe pas pour l’instant », regrette l’eurodéputé François Thiollet. La faible notoriété de la tête de liste, pourtant désignée dès juillet 2023, Marie Toussaint, n’aide pas les Verts à être audibles dans une séquence axée sur les questions internatio­nales (Ukraine et Gaza). « Elle va se faire grignoter son aile bobo par Raphaël Glucksmann et son aile radicale par les insoumis», raille une cadre d’une liste de gauche concurrent­e.

Une situation délicate où, en interne, certains envisagent même un scénario catastroph­e avec un score en deçà de 5 %, synonyme de disparitio­n du Parlement européen. « On bénéficie toujours d’un vote d’étiquette sur cette élection avec un socle entre 7 et 10 % », tempère Thomas Dossus. Malgré tout, l’eurodéputé­e, qui respecte le pacte de non-agression à gauche, mise toujours sur « la force et la douceur » pour avancer jusqu’au 9 juin, date du scrutin.

Seule la crise des agriculteu­rs, où les écologiste­s étaient au coeur du débat, a pu faire décoller la liste.

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JÉRÉMY PAOLINI/ABACA Marie Toussaint (à gauche), le 28 mars, à la Défense.
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