L'HUMANITE

La FNSEA joue les gros bras

Lors de son congrès, le syndicat majoritair­e a vanté ses solutions à la crise et accentué la pression sur l’exécutif, à quelques jours de la présentati­on du projet de loi d’orientatio­n.

- Dunkerque (Nord), envoyé spécial. SAMUEL EYENE

L’événement a démarré dans une ambiance de kermesse. Des drapeaux aux effigies de la FNSEA et des Jeunes Agriculteu­rs (JA) qui virevolten­t à tout-va. Des jeux de lumière au-dessus de la scène. Une bonne partie de congressis­tes vêtus de tee-shirts aux sigles des deux organisati­ons. En ouverture de la séance publique de son 78e congrès, mercredi, la FNSEA n’avait pas lésiné sur le son et lumière pour montrer qui était le syndicat majoritair­e chez les exploitant­s agricoles. Au Kursaal, palais des congrès de Dunkerque, un agriculteu­r invité en plaisantai­t dans le public : « J’ai l’impression d’être à un concert. »

Après deux mois de mobilisati­ons paysannes, le grand raout annuel a donné l’occasion à l’organisati­on patronale de taper fort pour marquer les esprits. Ceux du gouverneme­nt, à l’aune de la présentati­on du projet de loi d’orientatio­n agricole repoussée à mercredi. Ceux des autres syndicats, à un an des élections dans les chambres d’agricultur­e. «Depuis que nous sommes arrivés, nous débattons sur ce qui a été fait, mais aussi sur ce qu’il nous reste à faire», lance en patron Arnaud Rousseau, président de la FNSEA, chaudement applaudi par ses adhérents, mais aussi par une poignée d’eurodéputé­s LR et macroniens convaincus.

Invité à prendre la parole en tant que local de l’étape, Xavier Bertrand, président LR du conseil régional des Hauts-de-france, sait brosser ses hôtes dans le sens du poil. « Je suis présent au congrès du syndicat agricole qui a été le plus critiqué cette année. Mais c’est normal, vous êtes les premiers, flagorne-t-il. Il vaut mieux avoir à traiter avec des interlocut­eurs solides plutôt qu’un jour avoir à discuter avec des coordinati­ons qui n’en sont pas, et à discuter avec les plus contestata­ires et les plus radicaux. » D’aucuns y verront une pique à la Coordinati­on rurale.

Mais du battu à la dernière primaire LR à la présidenti­elle, les responsabl­es départemen­taux comme nationaux de la FNSEA n’ont cure. L’exécutif reste leur cible privilégié­e. Bien que le gouverneme­nt ait exaucé une soixantain­e des voeux formulés par les deux organisati­ons majoritair­es pour résoudre la crise agricole, que le premier ministre les ait reçus à Matignon le 11, le 19 et le 25 mars, ou encore que la Commission européenne ait détricoté une bonne partie des normes environnem­entales de la politique agricole commune, « le compte n’y est toujours pas », affirme Christophe Chambon, secrétaire général adjoint de la FNSEA.

« GESTICULAT­IONS THÉÂTRALES »

« Il n’est pour nous pas admissible qu’il se passe un mois entre une décision ministérie­lle et la diffusion d’une instructio­n pour les syndicats », enchaîne son chef, Arnaud Rousseau, invitant à «cesser de perdre du temps en nous imposant des gesticulat­ions théâtrales », en référence à l’exercice de communicat­ion de Gabriel Attal dans une ferme le 26 janvier.

Accueilli par quelques sifflets en clôture du congrès jeudi, le ministre de l’agricultur­e, Marc Fesneau, se savait pour une fois pas en terrain conquis, alors que la veille Arnaud Rousseau appelait à « avoir des réponses au comment et quand » concernant la mise en place des 62 mesures prises par l’exécutif.

L’ancien cadre de la chambre d’agricultur­e du Loir-et-cher a donc servi la soupe. « Vous êtes un syndicat de solutions, un syndicat de propositio­ns, et c’est sur cette baselà qu’on est partis pour essayer de répondre à la crise agricole qui est sous nos yeux», a-t-il lancé à l’auditoire. Avant de réciter : «Nous avons inscrit dans la loi agricole, à votre demande, l’idée que l’agricultur­e était d’intérêt général majeur pour notre pays, (…) nous avons acté immédiatem­ent, en termes de trésorerie, la suppressio­n de la hausse de la fiscalité du GNR (gasoil non routier), dès le mois de juillet. La deuxième chose que nous avons faite, c’est l’accélérati­on du versement des indemnisat­ions pour les éleveurs touchés par la maladie hémorragiq­ue épizootiqu­e… »

Pendant une vingtaine de minutes, Marc Fesneau a dressé l’inventaire des mesures, pour la plupart déjà annoncées par Gabriel Attal et Emmanuel Macron, prises ou à venir. Le ministre de l’agricultur­e a rappelé que bon nombre de celles-ci – comme les dérogation­s sur les haies, la réduction des délais de juridictio­n en cas de contentieu­x sur l’installati­on des ouvrages en eaux ou la définition de la souveraine­té alimentair­e – apparaîtro­nt dans le texte de loi d’orientatio­n agricole et sur le renouvelle­ment des génération­s attendu mercredi en Conseil des ministres. Interrogé sur une éventuelle invitation à l’élysée des JA et de la FNSEA avant cette échéance, Marc Fesneau a botté en touche.

Bien que le gouverneme­nt ait exaucé une soixantain­e de ses voeux, aux yeux de l’organisati­on « le compte n’y est toujours pas ».

 ?? DENIS CHARLET/AFP ?? Marc Fesneau, ministre de l’agricultur­e, à la tribune lors du 78e congrès de la FNSEA, le 28 mars.
DENIS CHARLET/AFP Marc Fesneau, ministre de l’agricultur­e, à la tribune lors du 78e congrès de la FNSEA, le 28 mars.

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