L'HUMANITE

Opération « place nette » à Mayotte

Après l’échec de « Wuambushu », le ministre de l’intérieur persiste et lance un nouveau dispositif répressif dans le 101e départemen­t français.

- AXEL NODINOT

Il n’aura pas cherché loin. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des Outre-mer, a lancé ce mardi matin le dispositif « Mayotte place nette » pour lutter contre l’immigratio­n illégale. Un écho à ses précédente­s opérations, « Place nette XXL » dans l’hexagone (contre le narcotrafi­c), et « Wuambushu », menée l’année dernière sur l’île au lagon, toutes deux des échecs. Ce mardi 16 avril, la police et les blindés de la gendarmeri­e sont entrés dans le quartier de Doujani 2, au sud de Mamoudzou, pour y démolir des cases en tôle, foyers de Français ou d’étrangers n’ayant déjà pas grand-chose. Des jeunes ont voulu retarder l’inévitable en plaçant sur les chemins des véhicules brûlés ou d’autres barrages.

Les prémices d’une opération qui s’étendra jusqu’à la fin du mois de juin et qui provoquera encore des affronteme­nts, des barrages et des drames humains dans le départemen­t le plus pauvre de France. Six semaines d’actions « menées de façon répétée, comme un marteau enfoncerai­t un clou », promet la ministre déléguée aux Outre-mer, Marie Guévenoux, venue présenter le dispositif Place Beauvau et promettant une opération « plus coordonnée, plus ciselée » que « Wuambushu », décidée et préparée à la hâte. Cette fois, « 60 individus auteurs d’actions violentes » auraient été ciblés, affirme celle qui souhaite détruire 1 300 cases en tôle pour ne reloger que 700 personnes. En 2023, 667 logements ont été démolis – 1 000 étaient annoncés pendant les deux mois de « Wuambushu ».

Après l’échec de l’année dernière, Gérald Darmanin ne dispose que de peu de renforts. Seule une centaine de « spécialist­es » de la police aux frontières et d’enquêteurs » de la police judiciaire feront le voyage de 8 000 kilomètres jusqu’à Mayotte, en plus de quelques hommes du Raid, présents depuis six semaines. Un bateau de la marine nationale stationner­a également dans le canal du Mozambique pour intercepte­r les exilés du Rwanda, du Burundi ou du Congo qui tentent de rallier la France via la Tanzanie et les Comores.

« 25 000 EXPULSIONS PAR AN »

L’archipel voisin, d’où vient la majorité des immigrés, est au coeur du problème. Sous le joug du dictateur Azali Assoumani et en proie à la misère, de nombreux Comoriens mettent leur vie en jeu pour franchir le bras de mer de 80 kilomètres séparant les îles d’anjouan de Mayotte. Lors des premiers jours de l’opération « Wuambushu », le gouverneme­nt comorien – qui revendique toujours l’île au lagon – avait refusé d’accueillir ses ressortiss­ants en fermant le port de Mutsamudu.

Avec l’opération « Mayotte place nette », l’état persiste donc dans sa répression, qui n’a pourtant rien donné depuis plusieurs années. Malgré 1 150 policiers et gendarmes présents sur l’île, des moyens accrus pour la police aux frontières et « 25 000 expulsions par an », selon Marie Guévenoux – un chiffre constant avec ou sans « Wuambushu » –, l’immigratio­n est croissante et les violences délinquant­es quotidienn­es continuent pour les Mahorais. « Il n’y a pas de recrudesce­nce de la violence, le territoire est violent de façon permanente », avance la ministre déléguée, une manière d’essentiali­ser une île qui connaît depuis quelques mois ses premiers morts par arme à feu, sans s’attaquer à la misère.

Le gouverneme­nt

annonce vouloir détruire 1 300 cases pour ne reloger que 700 personnes.

 ?? J. DE ROSA/AFP ?? Le 16 février, à Mayotte. Opération de sécurisati­on d’un bidonville de Koungou.
J. DE ROSA/AFP Le 16 février, à Mayotte. Opération de sécurisati­on d’un bidonville de Koungou.

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