L'HUMANITE

Pour les citoyens, l’europe sociale bouge encore

Une large part des habitants de L’UE considèren­t que les questions touchant aux bas salaires, à la vie chère et à l’accès aux soins doivent rester primordial­es.

- LINA SANKARI

Qui croit encore en l’« Europe sociale » ? Les citoyens. La dernière livraison de l’enquête Eurobaromè­tre confirme que 88 % des Européens considèren­t qu’une Europe sociale – toujours à venir dans les discours mais jamais réalisée – demeure importante, à rebours du tournant pris par l’union, en début d’année, avec le retour de l’austérité. Ainsi, à la veille du Conseil européen qui s’ouvre ce 17 avril, 60 % des sondés disent avoir connaissan­ce d’au moins une initiative communauta­ire récente comme la directive sur les salaires minimaux adéquats, datée de 2022, qui ne fixe pas de salaire minimum continenta­l et ne règle pas la question du dumping social, mais oblige les 21 États qui ont instauré un salaire minimum à le porter à 60 % du salaire médian et à 55 % du salaire moyen.

Qaurante-huit pour cent des habitants du continent estiment, en outre, que la lutte contre la vie chère devrait constituer un axe majeur de la stratégie communauta­ire. Dans leur sillage, 35 % placent la question des bas salaires au rang de priorité, et 44 % jugent que l’accès à des soins de santé équitables est l’une des clés du développem­ent social et économique de l’union européenne. « Sur l’ensemble de l’union européenne, les salaires réels ont diminué de 0,7% l’an dernier, tandis que les bénéfices augmentaie­nt de 1,5 % », relevait récemment Esther Lynch, la secrétaire générale de la Confédérat­ion européenne des syndicats (CES), dans nos colonnes.

UNE VARIABLE D’AJUSTEMENT, UN PRODUIT DU LIBRE MARCHÉ

Ces données, présentées lors de la conférence de haut niveau sur le socle européen des droits sociaux des 15 et 16 avril, visent à un débat plus large quant aux priorités sociales à venir. Jusqu’ici, ce socle n’a corrigé que de façon limitée la constructi­on communauta­ire. « L’europe sociale » a toujours été envisagée comme une variable d’ajustement ou un produit du libre marché, selon la conception allemande qui prédomine dans les traités de Rome et de Maastricht. Le thème continue toutefois d’irriguer les discours : « Nous devons avoir une Europe sociale dans laquelle chaque citoyen ne se sent pas laissé pour compte. Nous prenons soin des citoyens, de tous ceux aussi qui pourraient être confrontés à des difficulté­s : le pouvoir d’achat, mais aussi les transition­s et les changement­s de notre économie. Nous ne les laisserons pas derrière », promet le Luxembourg­eois Nicolas Schmit, commissair­e à l’emploi, aux Affaires sociales et à l’insertion, et candidat commun (spitzenkan­didat) des socialiste­s européens. Une sorte de « politique du care » qui ne s’attaque pas au capital. À cette aune, l’« Europe sociale » fleure le paternalis­me et n’invite pas les citoyens à se mobiliser en ce sens.

De son côté, le spitzenkan­didat du Parti de la gauche européenne, le communiste autrichien Walter Baier, dénonce les orientatio­ns stratégiqu­es actuelles : « Lorsque les membres du Parlement européen et de la Commission demandent 2 % du PIB pour les dépenses d’armement, c’est le contraire qu’il faut faire. Il faut consacrer 2 % de notre PIB à la culture et à l’art, à l’éducation, aux soins de santé et au renforceme­nt des services publics.» Une autre idée de l’europe sociale.

 ?? DURSUN AYDEMIR/ANADOLU/AFP ?? Le 20 mars, à Bruxelles (Belgique). Le commissair­e européen, Nicolas Schmit, et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, lors du sommet social tripartite.
DURSUN AYDEMIR/ANADOLU/AFP Le 20 mars, à Bruxelles (Belgique). Le commissair­e européen, Nicolas Schmit, et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, lors du sommet social tripartite.

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