L'HUMANITE

Marisa Makasso, l’engagement dans l’âme

La responsabl­e adjointe au service des astreintes de l’agence d’aide à domicile Onela mène une âpre bataille, depuis le 1er février, contre son employeur. Une première lutte devenue le combat de sa vie.

- SAMUEL EYENE

Une volonté sans faille. Du haut de ses 46 ans, Marisa Makasso, responsabl­e adjointe d’onela, spécialisé­e dans le service à la personne, mène le combat de sa vie. Une bataille pour sa dignité, une lutte pour ses droits. Depuis le 1er février, la travailleu­se, initialeme­nt accompagné­e de douze collègues, s’est mise en grève contre son employeur. Ce jour de mars, une casquette enfoncée sur la tête, mégaphone en main, la femme d’origine camerounai­se alerte les badauds, rue Pierre-charron, à Paris (8e arrondisse­ment), sur son conflit.

Tout commence par une vilaine surprise, en juin 2023. Marisa apprend, par le biais d’une collègue élue CFDT, que les salariés de son service d’astreinte ne travaillen­t pas uniquement pour Onela, mais qu’ils exercent aussi des missions pour deux autres entités du groupe : les filiales Nouvel Horizon et Nouvel Horizon Paca. Un choc pour la responsabl­e adjointe. « Notre employeur facture les trois entreprise­s, mais il nous paye en réalité que pour le compte d’une seule société », explique-t-elle.

ELLE TROQUE LA CHASUBLE ORANGE DE LA CFDT POUR LA ROUGE DE LA CGT

Des employés non rémunérés pour leur force de travail. Un classique, mais qui reste terribleme­nt révoltant. Remontés, les travailleu­rs exigent alors de la direction des revalorisa­tions de salaire. Huit mois de discussion­s sans franches avancées, jusqu’au jour où Marisa et ses collègues se déclarent officielle­ment en grève, en février. Depuis, ils enchaînent les piquets entre le siège d’onela à Boulognebi­llancourt (Hauts-de-seine) et le siège du groupe Colisée Internatio­nal, propriétai­re, rue Pierre-charron à Paris.

Marisa endosse fièrement le rôle de fer de lance de la bataille. Pourtant, à l’origine, cette habitante de Saint-ouen (Seinesaint-denis) ne se prédestina­it pas à une carrière dans le social. Elle a d’abord jonglé entre des emplois dans la vente et l’événementi­el. La rencontre avec le service à la personne est fortuite. « Initialeme­nt, j’avais d’autres projets et travailler chez Onela devait me permettre d’assurer un complément de revenu », explique-t-elle. Marisa découvre alors, sur le tas, le métier aux contours parfois ingrats d’auxiliaire de vie. Elle s’occupe de personnes âgées, récure les toilettes des bénéficiai­res, prépare les premiers repas, etc. Pendant trois ans, de 2011 à 2014, cette femme exerce son rôle « essentiel » de « deuxième ligne », comme aimait le dire le président de la République à l’époque du confinemen­t.

Mais, éprouvée par la dureté du terrain, la quadragéna­ire songe à arrêter. Nouveau coup de pouce du destin, une collègue lui propose d’intégrer l’équipe de coordinati­on d’astreinte. «Ce poste a été une cure de jouvence. Je me suis redécouver­t une utilité parce que cela m’a permis de faire la navette entre les salariés et la direction », se souvient-elle. Marisa retrouve un second souffle. Et une nouvelle famille. Des hommes, des femmes, des jeunes au caractère aussi trempé que celui de la Francilien­ne. « Quand j’ai rencontré au sein de mon équipe des étudiants en temps partiel aussi motivés que moi et soucieux des gens qui les entouraien­t, je n’avais pas d’autre choix que de poursuivre mon travail à leurs côtés », ajoute-t-elle. Elle se syndique alors. D’abord au sein de la CFDT, puis troque la chasuble orange pour la rouge de la CGT, où elle se voit rapidement confier plus de « responsabi­lités ».

LA MATRIARCHE DE LA FAMILLE REND FIER SON ENTOURAGE

Son engagement ne doit rien au hasard. Grande soeur d’une fratrie de onze, Marisa a toujours eu le sens des responsabi­lités. Lorsque son père s’éteint en 2011, elle endosse le rôle de seconde matriarche de la famille. Là est l’endroit où elle puise sa force. Et sa volonté de poursuivre le bras de fer contre son employeur. « Nous luttons parce que nos conviction­s sont fortes. Nous voulons voir les choses changer, explique-t-elle. Pourquoi cela devrait être toujours aux mêmes, salariés, étudiants étrangers, de courber l’échine ? »

À l’écouter, difficile de reconnaîtr­e l’innocente gréviste du début. Même son entourage, originelle­ment réticent à la voir s’engager dans cette bataille, ne cache plus son admiration. « Au départ, mon mari me disait d’arrêter de me prendre pour Rachel Keke (ex-porte-parole de la grève des femmes de chambre de l’ibis Batignolle­s devenue députée – NDLR), se remémoret-elle, le sourire aux lèvres. Aujourd’hui, il est le premier à me féliciter. »

Une satisfacti­on arrivée à point nommé. « Nous ne sommes plus que six aujourd’hui. Nous n’avons pas beaucoup d’argent dans notre caisse de grève et la plupart des collègues sont des étudiants étrangers », souffle-t-elle. Mais qu’importe. La dame est pugnace, malgré ses traits tirés. « Je me dois de montrer la voie pour les petits jeunes derrière moi. Il est possible de changer les rapports de force. »

 ?? SADAK SOUICI POUR ?? « Nous voulons voir les choses changer. Pourquoi cela devrait être toujours aux mêmes, salariés, étudiants étrangers, de courber l’échine ? »
SADAK SOUICI POUR « Nous voulons voir les choses changer. Pourquoi cela devrait être toujours aux mêmes, salariés, étudiants étrangers, de courber l’échine ? »

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