L'HUMANITE

Un nouveau discounter à l’expansion vertigineu­se

- T. L.

Avec plus de 18 000 salariés et 4,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires, Action a trouvé en France son meilleur marché. Or, à ce stade, les employés du géant néerlandai­s de produits à bas prix paraissent loin de profiter de cette insolente croissance.

En moins d’une décennie depuis sa première implantati­on dans le pays, la chaîne de magasins à bas prix Action a dépassé toutes les grandes marques. Fin mars, pour la deuxième année consécutiv­e, elle a été désignée « enseigne préférée des Français » par un institut de sondages spécialisé. Au siège parisien, ce titre a été célébré avec des ballons, du jus d’orange et des petits trophées. Dans ses 800 magasins en France, les 18000 employés, dont la moitié est à temps partiel et où les femmes constituen­t l’écrasante majorité, ont eu droit à une brioche ou un gâteau lors des briefings réalisés par les chefs d’équipe.

Pour ce géant européen de la grande distributi­on, bâti en trois décennies à partir d’un minuscule commerce discount au fin fond des Pays-bas, c’est une nouvelle consécrati­on. Au total, le groupe compte près de 2 500 magasins dans une dizaine de pays. Son chiffre d’affaires explose: en 2023, il a augmenté de près de 28 %, à 11,3 milliards d’euros. Dans le paysage, la France occupe, pour Action, une place déterminan­te. C’est dans notre pays que les Néerlandai­s réalisent leurs plus gros résultats : alors que les bénéfices nets pourraient, d’après un expert consulté par l’humanité, tourner autour des 120 à 150 millions d’euros, le chiffre d’affaires d’action flirte, en 2023, avec les 4,5 milliards d’euros, soit un milliard de plus qu’en 2022.

L’expansion est considérab­le, mais dans ses communicat­ions internes à l’adresse de ses employés, le géant ne lésine pas sur les fadaises aux accents paternalis­tes. « Tout comme toi, il nous faut joindre les deux bouts à la fin du mois, fait mine de constater, par exemple, Action en prenant son personnel à témoin. Tu dois donc toujours t’efforcer de voir comment faire les choses plus intelligem­ment pour faire des économies. » En pratique, au-delà de son inventivit­é marketing et logistique – l’essentiel du modèle économique repose sur une offre originale, bas de gamme mais bon marché, avec des approvisio­nnements via le déstockage et des livraisons par camions à double pont –, la chasse aux coûts peut concerner directemen­t les employés, à coups de compressio­ns d’effectifs dans les magasins et de salaires rigoureuse­ment alignés sur le Smic. À l’automne 2023, le Monde avait révélé un taux de turn-over, 59 %, proprement effréné chez Action, pointant également des résultats en matière d’accidents du travail plus élevés que chez Amazon.

ACTION FRANCE VANTE DES « PERSPECTIV­ES D’ÉVOLUTION PROFESSION­NELLE »

Interrogée sur ces chiffres par l’humanité, la direction d’action dit observer, elle, « une baisse des accidents de travail entre 2022 et 2023, alors que cette même année, l’entreprise a ouvert 75 nouveaux magasins et recruté près de 2 500 nouveaux collaborat­eurs en France ». De manière plus globale, le groupe qui, précise-t-il au passage, « ne commente pas les situations individuel­les » vante les « perspectiv­es d’évolution profession­nelle », dans sa réponse à notre sollicitat­ion. «Action a une politique de recrutemen­t claire avec pour fondement la motivation des candidats plus que leurs compétence­s, ajoute un porteparol­e en France. Ces facteurs sont également ceux qui permettent d’offrir des promotions internes à nos équipes : 769 employés ont été promus en 2023 et plus de 860 promotions internes sont prévues en 2024. Par ailleurs, les effectifs d’action sont également notablemen­t constitués d’étudiants, qui quittent l’entreprise une fois leurs études terminées. »

Un nombre d’accidents du travail plus élevé que chez

Amazon.

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