L'HUMANITE

À Orly, des policiers sans moyens contre le narcotrafi­c

- MARGOT BONNÉRY

Alors que l’exécutif affiche ses ambitions dans la lutte contre la drogue, les sénateurs PCF Ian Brossat et Pascal Savoldelli sont allés constater la réalité à l’aéroport. Manque d’hygiène, insalubrit­é, présence de rats… Fonctionna­ires et détenus sont mal lotis.

Ils sont à peine entrés dans le local que le sol colle sous leurs semelles. Ian Brossat et Pascal Savoldelli, tous deux sénateurs communiste­s, ne sont pas au bout de leurs surprises dans cette antenne de l’ofast, l’office antistupéf­iants, à Orly (Val-de-marne). Ici, les conditions de travail sont telles que Freddy Brossard a claqué la porte en septembre dernier. Le secrétaire national du SNUIPN-FSU (Syndicat national unitaire intérieur de la police nationale) n’en pouvait plus. Et il n’est pas le seul. Son confrère Flavien Benazet, secrétaire général du syndicat, tend quelques photos. Ici, des briques de jus destinées aux détenus, rongées par les souris et les rats au milieu d’excréments. Là, une dizaine de rongeurs morts sur des plaques de glu. Si leurs corps ont depuis été enlevés, des traces noires restent gravées sur le sol. Devant les images, Ian Brossat et Pascal Savoldelli écarquille­nt les yeux.

C’est pourtant derrière ces murs épais que les agents de l’ofast d’orly ont pour mission d’interpelle­r les «mules», ces passeurs de drogue transporta­nt de la marchandis­e d’un pays à un autre. Ils apportent leur pierre à une politique nationale visant à identifier les têtes de réseau et à couper l’approvisio­nnement pour briser la pyramide du narcotrafi­c grâce à un travail d’investigat­ion et de recherche. Et l’aéroport est en cela stratégiqu­e puisqu’il est une importante porte d’entrée de la cocaïne vers le marché français. D’où les interrogat­ions des deux élus communiste­s sur les conditions d’exercice des fonctionna­ires, qui laissent planer le doute quant au sérieux que le gouverneme­nt accorde à sa politique de lutte antidrogue.

« DU PROVISOIRE QUI DURE DEPUIS QUATRE ANS »

Dans ce hangar de 300 mètres carrés, un petit préfabriqu­é fait office de cellule, de lieu de travail mais aussi de local pour avocat et médecin. «Il n’y a aucun secret d’enquête, on ne peut pas travailler, poursuit Freddy Brossard. Ces locaux de fret ne sont pas adaptés pour la police judiciaire: si l’un de nous chuchote, tout le monde entend. » Non loin d’un microondes, au-dessus d’une toilette à la turque, se trouve un bureau pour effectuer la pesée des drogues. Sans aération, les policiers inhalent contre leur gré et apparaisse­nt positifs au test. Ce hangar, «c’est du provisoire qui dure depuis quatre ans. On nous parle d’un projet Orlytech pour de nouveaux locaux, mais c’est une chimère. Jamais il ne verra le jour », s’agace le syndicalis­te. Pourtant des dizaines de milliers d’euros ont été dépensés en études d’architecte­s.

À la suite de cette visite, les sénateurs communiste­s haussent la voix par-dessus le vrombissem­ent des camions de marchandis­es. Ils exigent un audit sur les moyens de l’ofast pour améliorer les conditions des agents, mais aussi des détenus, petits passeurs soumis au marché capitalist­e de la drogue. « Nous allons proposer au ministre de l’intérieur de venir visiter cet endroit et de nous rendre des comptes sur l’alternativ­e en termes d’immobilier », s’insurge Pascal Savoldelli. Il dénonce : « Le président de la République est venu avec sa culture du management en insistant sur l’efficacité. Mais il faut mettre des moyens en place, avec des profession­s qualifiées. » À défaut, sa fameuse opération « Place nette » ne sera qu’un plan de communicat­ion de plus.

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BERTRAND GUAY/AFP L’aéroport est une importante porte d’entrée de la cocaïne vers le marché français.

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