L'HUMANITE

Centrale de Cordemais : la CGT chauffe EDF

Près de 500 agents, syndicalis­tes et élus se sont rassemblés, mercredi, pour réclamer l’accélérati­on de la conversion du site à charbon en biomasse. Malgré les annonces présidenti­elles, le projet « Ecocombust » est enlisé depuis huit ans.

- Cordemain (Loire-atlantique), envoyée spéciale.

L «’ascenseur émotionnel a assez duré », s’est exclamé, furieux, Fabien Deschamps, délégué FNME-CGT, le 17 avril, devant ses collègues de la centrale à charbon de Cordemais, en Loire-atlantique, menacée de fermeture. Des centaines de salariés en sursis se sont réunis mercredi matin sur l’impression­nant site EDF de 130 hectares, surplombé de deux grandes cheminées, afin de défendre le projet «Ecocombust». Ce dernier vise à remplacer le minerai noir, combustibl­e nocif pour l’environnem­ent, par des déchets de bois. Si le projet est officielle­ment consensuel, le mutisme D’EDF inquiète les salariés, à qui la direction avait pourtant offert des garanties.

Parmi les 500 participan­ts, de nombreux élus tels que Marina Mesure, députée européenne FI, ou encore Fabien Gay, sénateur PCF et directeur de l’humanité, se sont joints à Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, et Sébastien Menesplier, secrétaire général de la FNME-CGT, pour exprimer leur soutien à cette alternativ­e chiffrée par le syndicat à 200 millions d’euros.

La saga commence il y a plus de huit ans, lorsque les salariés de la centrale, prévoyant la fin des énergies fossiles, élaborent un projet qui permet de décarboner leur production et de garantir la pérennité des emplois. Le dispositif Ecocombust a pour but de substituer au charbon des granulés noirs, du black pellet tiré du bois de classe B (bois d’ameublemen­t et de démolition).

Pour mémoire, en 2017, pendant sa campagne, le candidat Emmanuel Macron promet la fermeture des deux dernières centrales à charbon d’ici la fin de son premier quinquenna­t. La centrale de Saint-avold, en Moselle, et celle de Cordemais, joyau D’EDF mis en service en 1970, étaient vouées à disparaîtr­e à l’horizon 2022. Au grand dam des 570 employés, qui représente­nt près de 10 % des habitants de la commune. « C’est l’illustrati­on de ce que le capitalism­e peut faire de pire. La transition écologique ne peut se faire qu’avec les travailleu­rs », affirme Fabien Gay.

L’expériment­ation s’accélère donc et le plan de transition obtient le soutien D’EDF, avant que Suez (Veolia), partenaire de l’opération, ne jette l’éponge en juillet 2021, invoquant des raisons de rentabilit­é.

« UNE STRATÉGIE DE DÉCARBONAT­ION MONDIALE »

Une deuxième version du projet renaît des cendres d’ecocombust en 2022, cette fois-ci soutenue par l’état. EDF espère que 80 % du fonctionne­ment de la centrale pourra être assuré à base de pellets et de granulés issus de déchets de bois de classe B. D’après la société publique, ce procédé permettrai­t de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) de ses installati­ons de 71 % par rapport à un fonctionne­ment 100 % charbon, évitant l’émission de 400 000 tonnes de CO2 par an à la centrale, brûlant entre 8 000 et 10 000 tonnes par jour. «Au-delà de son aspect social et local, ce projet s’inscrit dans une stratégie de

décarbonat­ion mondiale », défend le sénateur écologiste Ronan Dantec sur l’estrade de fortune, installée pour l’occasion par la CGT et floqué du slogan : « EDF doit respecter l’engagement du président de la République ».

Comme l’indique cette inscriptio­n, si tous les voyants sont aujourd’hui au vert, l’avenir du site ne dépend plus que du géant public de l’énergie, qui ne cesse de se soustraire à ses engagement­s. En janvier 2023, la préfecture de Loire-atlantique a autorisé l’industriel du recyclage, Paprec Waste From Energy, à exploiter ce site pour reconverti­r la centrale électrique en usine de production de black pellet. Emmanuel Macron a ensuite annoncé la conversion du site le 24 septembre 2023.

UN COÛT ESTIMÉ À 1 MILLIARD D’EUROS PAR EDF

Des garanties financière­s avaient même été mises sur la table. Le «Pacte pour la transition écologique et industriel­le de la centrale de Cordemais et de l’estuaire de la Loire » signé en janvier 2020 et doté de 275 millions d’euros pour des projets structuran­ts en matière de transition environnem­entale prévoyait une enveloppe de 85 millions pour la première version d’ecocombust. En décembre, l’état et la région ont confirmé le montant de leur soutien au projet, estimé à 250 millions d’euros, « à hauteur de 85 millions d’euros maximum ». Le financemen­t doit partiellem­ent (69 millions d’euros) être pris en charge par l’europe via le « Fonds pour une transition juste ».

Le permis de construire a été signé en février 2024 et, enfin, la région a renouvelé lors du rassemblem­ent de ce mercredi son appui au projet, jugé « essentiel à la sécurité du réseau », et pour en « faire un territoire d’excellence », a expliqué Roland Marion, conseiller régional LR des Pays-de-la-loire. Pourtant, EDF envoie des signaux de rétractati­on. Son PDG, Luc Rémont, affirme qu’il serait en train d’étudier un « business plan » auprès des représenta­nts de la CGT et élus locaux. Le coût du projet est désormais estimé par EDF à 1 milliard d’euros. La CGT soupçonne « une surestimat­ion du coût, pour justifier une potentiell­e rétractati­on ».

Selon Fabrice Coudour, secrétaire fédéral FNME-CGT, « après huit ans de luttes, ce juste projet doit aboutir, les aspects économique­s ne sont pas entendable­s, surtout quand ils sont tronqués. Personne n’a jamais dit que la transition énergétiqu­e et écologique n’aurait pas un coût ». « C’est une succession de faux espoirs, ça nous laisse un goût amer, mais nous gardons espoir », déclare, de son côté, Christophe Besnard, délégué du syndicat et technicien d’exploitati­on depuis dix ans.

La centrale de Cordemais, ou « chauffage d’appoint », comme on l’appelle, car utilisée en dernier recours, possède deux unités de production au charbon en complément du nucléaire et des énergies renouvelab­les lors des pics de consommati­on d’électricit­é, afin de garantir l’équilibre du réseau électrique. « Comme le préconise RTE, nous avons besoin de produire plus d’électricit­é, a rappelé Sophie Binet en concluant la table ronde organisée à la centrale de Cordemais. Non seulement pour assurer la stabilité du réseau de la région, mais aussi pour développer l’industrie française. De telles initiative­s décarbonée­s, complément­aires au nucléaire, sont indispensa­bles pour asseoir notre souveraine­té énergétiqu­e et industriel­le. » Le PDG D’EDF recevra la CGT le 6 mai pour répondre aux inquiétude­s des agents, qui malgré tout, entendent bien « ne rien lâcher ».

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Le 17 avril, devant la centrale à charbon de Cordemais (Loire-atlantique).
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que Fabien Gay, sénateur PCF et directeur de l’humanité, et Sébastien Menesplier, secrétaire
général de la FNME-CGT (en bas à droite).
Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT (en haut à droite), était présente à Cordemais, ainsi que Fabien Gay, sénateur PCF et directeur de l’humanité, et Sébastien Menesplier, secrétaire général de la FNME-CGT (en bas à droite).

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