L'HUMANITE

Micheline Wlos, ses noces de platine avec l’huma

Témoin de la Shoah, militante communiste et lectrice assidue de notre journal depuis soixante-dix ans, la nonagénair­e reste déterminée à préserver la mémoire, tout en poursuivan­t ses combats politiques.

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C’est peu dire que le militantis­me tient une place importante dans sa vie. Dans son petit appartemen­t parisien du 18e arrondisse­ment, entre des piles de papiers soigneusem­ent entreposée­s, Micheline Wloszczows­ki, appelée Wlos, parcourt son bureau en quête des derniers numéros de l’humanité. La retraitée de 90 ans sourit en montrant les dessins de presse situés au début du quotidien : « Ces pages sont excellente­s. » Du bout de son menton, elle pointe l’ouvrage Un siècle d’humanité, 1904-2004 qui trône sur son bureau. « Ma famille y a intercalé des photos de moi correspond­ant aux différente­s périodes du journal. Ce livre, c’est l’histoire de

l’humanité, mais aussi de ma vie », poursuit l’ancienne salariée de l’hebdomadai­re la Terre. Depuis son adhésion au Parti communiste, il y a plus de soixante-dix ans, Micheline Wlos lit l’huma tous les matins. Qu’il vente ou qu’il pleuve, elle ne manquerait pour rien au monde le rendez-vous de diffusion du journal de Jaurès au métro Guy-môquet.

REVIVRE APRÈS LE VÉL’ D’HIV

« Après la Seconde Guerre mondiale, ma mère lisait le journal résistant Franc-tireur et, du côté de mon père, c’était l’huma », continue-t-elle. Cette guerre, la retraitée d’origine juive polonaise et hongroise s’en souvient comme si c’était hier. Alors que les rafles se multiplien­t à Paris, un policier prévient ses parents afin qu’ils puissent se cacher. Pour Micheline Wlos, le souvenir du Vél’d’hiv (1942) est encore douloureux : « Ils arrêtaient tout le monde, même les enfants. » Alors âgées de 8 et 7 ans, elle et sa soeur quittent le domicile familial pour échapper à la déportatio­n. C’est dans une famille du Cher, à Saint-amandmontr­ond, qu’elles trouvent refuge. « Nous avons vécu deux ans dans la clandestin­ité, sans nouvelles de nos parents », expliquet-elle. « À l’école, et même en dehors, on avait une pression monstre : faux papiers, mensonges à propos de notre véritable identité, l’ambiance était lourde. » Si beaucoup de ses proches ont survécu, son grand-père, déporté en Pologne, ne reviendra pas des camps de la mort.

À la Libération, Micheline se sent revivre. La famille est de nouveau réunie. Mais chez les Wlos – son père est ouvrier –, partir en vacances est un luxe qu’on ne peut pas s’offrir souvent. Pour se permettre des sorties et découvrir le monde, elle suit une de ses amies à l’union des vaillants et vaillantes: une organisati­on « scout » communiste créée à la Libération autour de l’hebdomadai­re Vaillant (devenu Pif Gadget). « Tous les dimanches, on sortait : visites de musées, camping avec nos couverture­s enroulées sur nos petits sacs à dos, festival de la jeunesse à Berlin… C’était une période de joie immense », raconte Micheline en esquissant un sourire. Progressiv­ement, elle se forge une conscience politique. « J’ai adhéré au Parti communiste en 1951, se souvient-elle. C’est moi qui ai convaincu mon père de faire pareil ! » De militante à trésorière du comité de section du 18e, Micheline Wlos a passé les meilleures années de sa vie au PCF. La preuve en images : entre deux phrases, elle se lève de sa chaise pour extirper de sa bibliothèq­ue en bois un album photo. «C’est pour raconter l’histoire de ma famille aux génération­s futures.» Réunions de cellule, vente de l’humanité au point fixe… Tous les souvenirs marquants de sa vie sont archivés. « Mais où se trouve cette photograph­ie ? » rouspète Micheline à la recherche d’un cliché pris à la Fête de l’humanité. Comme tous les ans, au stand du 18e arrondisse­ment, les Wlos se retrouvaie­nt pour leur réunion de famille. Un moment convivial qu’elle chérit.

L’HISTOIRE EN PARTAGE

À la retraite, inconcevab­le pour Micheline de rester inactive. « Ce n’est pas dans mon tempéramen­t », affirme la nonagénair­e, « j’ai donc rejoint l’amejd, l’associatio­n pour la mémoire des enfants juifs déportés ». Témoin de la Shoah, Micheline se rend tous les ans dans les écoles parisienne­s pour raconter son histoire et celle des enfants déportés sans retour. En coordinati­on avec le ministère de l’éducation nationale, son collectif est à l’initiative des plaques commémorat­ives présentes sur les façades des établissem­ents scolaires et de celles accrochées à l’intérieur, rappelant les noms des élèves exterminés par les nazis. Si «l’ombre s’est faite humaine, et (qu’)aujourd’hui c’est l’été», Micheline redoute l’oubli de cette histoire: «Les témoins vivants de la Shoah deviennent moins nombreux. Il faut que les jeunes génération­s reprennent cette associatio­n et qu’on explique davantage cette période aux enfants. » Un passage de flambeau espéré pour ne pas reproduire les horreurs du passé.

«J’ai adhéré au Parti communiste en 1951. C’est moi qui ai convaincu mon père de faire pareil!»

 ?? NICOLAS MORAUD
POUR L’HUMANITÉ ?? Qu’il vente ou qu’il pleuve, la Parisienne est toujours au rendez-vous de diffusion du journal de Jaurès au métro Guy-môquet.
NICOLAS MORAUD POUR L’HUMANITÉ Qu’il vente ou qu’il pleuve, la Parisienne est toujours au rendez-vous de diffusion du journal de Jaurès au métro Guy-môquet.

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