BIS PECCARE IN BELLO NON LICET (*)
(*) À la guerre, il n’est pas permis de se tromper deux fois.
Le 17 novembre, quatre jours après les terribles attentats de Paris et Saint
Denis, RTL et le Figaro commandent un sondage à l’Ifop. Parmi les différentes questions de l’enquête en figure une qui montre qu’une écrasante majorité de la population est prête à accepter plus de contrôles et « une certaine restriction des
libertés au profit de la sécurité ». Dans le contexte dramatique que nous vivons, la question n’aurait pas pu recevoir une autre réponse. Et c’est ce que nous reprochons à ce sondage ou plus exactement le moment choisi pour le réaliser. Depuis le début, nous n’avons eu de cesse de dénoncer la Loi Renseignement – comme la plupart de nos confrères et observateurs spécialisés dans l’IT. Dans notre éditorial du mois d’avril, nous écrivions que cette loi posait un triple problème : sociétal, technique et financier. Nous faisions notamment référence à la Syrian Electronic Army et sa grande maîtrise des outils informatiques les plus sophistiqués. Depuis l’horreur du 13 novembre, de « doctes » voix pointent du doigt les parlementaires qui ont refusé de voter cette loi. Certains, en toute bonne foi, sont ébranlés. Ne se seraient-ils pas trompés, là encore en toute bonne foi ? Nous ne le croyons pas. Nous pensons que la mise en application de cette loi – il manque encore des décrets – n’aurait strictement rien changé. Pour les mêmes raisons que nous détaillions voici huit mois. Nous ne sommes pas « formatés » pour ce genre de méthodes : culturellement, financièrement, intellectuellement, techniquement. Même si le Premier ministre a justement rappelé que la sécurité est la première des libertés, nous ne pensons pas que les écoutes de masse soient la bonne solution ; une position qui commence d’ailleurs à se faire jour également aux États-Unis. Certains parlementaires profitent de l’horreur pour remettre sur le tapis l’interdiction de chiffrer les communications. Nous leur rappellerons que c’est techniquement impossible. Quiconque voudra chiffrer pourra le faire, que cela soit autorisé ou non.
CIBLER ET INFILTRER
Que Google ou Facebook soient interdits de chiffrer ne changerait rien non plus : d’autres services seront alors employés. Sur notre site, nous indiquions le 23 novembre que Daesh avait publié un guide des bonnes pratiques et des outils à bannir pour l’efficacité et la sécurité de leurs communications électroniques, une illustration supplémentaire que ces barbares sont très au fait de ce qu’il convient d’utiliser. Tor, Whicker, BlackPhone CryptoCat, Telegram et autres sont abondamment cités et recommandés. Ne versons cependant pas dans l’angélisme. Il faut du Renseignement. C’est vital. Mais plutôt que de capter des masses considérables d’informations qu’on sera bien en peine de traiter, il nous semble plus judicieux de cibler, d’infiltrer, de pratiquer l’ingénierie sociale et surtout de renforcer la coopération entre services et entre États. Bref, de continuer à s’appuyer sur les méthodes traditionnelles de renseignement en y intégrant les nouvelles technologies de l’information et non pas créer une vaste « usine à gaz » aussi coûteuse qu’inefficace. Le titre de cet édito est un proverbe latin qui dit qu’à la guerre, il n’est pas permis de se tromper deux fois. D’une douloureuse actualité.