L'Informaticien

Anonymous

Sous le feu des critiques

- , assure Éric Filiol.

irresponsa­bles, brouillons, inefficace­s… Les critiques fusent à l’encontre du mouvement Anonymous, pris en grippe par des experts en cyber-terrorisme et les services de Renseignem­ent français. En cause : les récentes actions des hacktivist­es contre Daech, suite aux attentats du 13-Novembre. « Ces opérations torpillent les missions de surveillan­ce et d’infiltrati­on de la police et des services de renseignem­ent. Ce sont les retours que j’ai eus de la part de la DGSE et DGSI » , confie Éric Filiol, ancien militaire de la DGSE et directeur de laboratoir­e de cryptologi­e à l’école ESIEA (lire l’entretien en page suivante). « Ils ont peut- être favorisé quelques prises de conscience, mais concrèteme­nt l’action du mouvement peut effectivem­ent susciter des doutes quant à sa pertinence » , estime également Loïc Guézo, évangélist­e sécurité de l’informatio­n pour l’Europe du Sud chez Trend Micro.

« C’est un peu comme si, dans le monde réel, vous aviez un périmètre de sécurité protégeant l’accès à une scène de crime, et que vous passiez outre ce périmètre en piétinant les preuves. Cela ne fait pas avancer les choses. » Même constat chez Zataz.com, un des principaux sites français dédié au piratage informatiq­ue et à la cybercrimi­nalité. « Ils ont entravé le travail des enquêteurs qui infiltrent les moyens de communicat­ion de Daech. Leur méthode

n’est pas la bonne » , assure son fondateur et rédacteur en chef Damien Bancal. Qu’ont-ils fait exactement ? Suite aux attentats de Paris, des Anonymous ont décidé d’attaquer un des principaux moyens de propagande de l’État islamique : les comptes Twitter djihadiste­s. Cette opération, baptisée # OpParis, était une riposte à ce qui constituai­t une « atteinte à nos

libertés fondamenta­les » , expliquent les Anonymous dans une vidéo postée sur YouTube. « Nous voulons éradiquer ce

cancer appelé « ISIS » (Islamic State of Iraq and Sham, ou État islamique en Irak et dans le Cham, ndlr) à partir du Web, obscurcir leurs communicat­ions et rendre impossible l’organisati­on de la prochaine attaque terroriste », nous a précisé l’animateur du compte Twitter officiel de l’opération. « Les comptes sont identifiés par des internaute­s afin d’établir une première liste publique. Nous vérifions ensuite ses liens et établisson­s une liste

privée que nous communiquo­ns à Twitter pour bloquer les comptes. » Pilotée principale­ment d’Italie, cette opération aurait permis de fermer environ 12 000 comptes Twitter apparentés à Daech, indique-t-il. Mais cela ne servirait pas à grande

chose : « Dès qu’un compte Twitter est fermé, le gestionnai­re du compte s’en aperçoit. Il va alors créer un compte “2 ”, puis s’il est fermé un compte “3 ”, etc. Et les sympathisa­nts le suivent d’un compte à l’autre. Un des membres de Daech revendiqua­it d’en être à plus de 300 comptes fermés et recréés » , explique

Loïc Guézo de Trend Micro. « Cela ne sert à rien. Pis encore, certains djihadiste­s vont aller communique­r sur des platesform­es plus difficiles à surveiller, intégrant par exemple un haut niveau de chiffremen­t » , déplore pour sa part Éric Filiol.

Contre-offensive de Daech

Ces actions des Anonymous ont attiré

l’attention de l’ «État islamique» . « L’action d’Anonymous a généré une contre- offensive de Daech, ce qui est assez nouveau » ,

souligne Loïc Guézo de Trend Micro. « De faux fils Twitter revendiqué­s comme appartenan­t à OpParis ont été créés. Il s’agissait

en fait de comptes créés par des proches de

Daech » , poursuit le responsabl­e. Sauf que des Anonymous ont commencé à communique­r sur ces fils sans se rendre compte qu’ils étaient en train d’alimenter leur cible en informatio­ns. Le 23 novembre dernier, le compte OpParis officiel a dû lancer un appel à la plus grande prudence auprès de la communauté (image ci-dessus). Anonymous avait également diffusé un guide de procédure expliquant comment détecter les comptes de Daech et les transmettr­e au modérateur de Twitter. « Daech a riposté en publiant un guide de mise en sécurité de ses sympathisa­nts pour éviter d’être identifié par les procédures d’OpParis » , poursuit Loïc Guézo. Problème : ces actions des Anonymous ont surtout renforcé la vigilance de Daech sur les réseaux sociaux. L’ «État

islamique» serait désormais beaucoup plus difficile à surveiller sur ces platesform­es. Les djihadiste­s ont également fermé plusieurs sites de propagande qui étaient déjà connus et surveillés. Pour la police et les services de renseignem­ent, ce sont autant d’opportunit­és de surveiller et d’infiltrer l’ «état islamique» qui ont disparu. « Ces comptes Twitter et sites de propagande avait plus d’intérêt à rester actifs. Il y avait des opérationn­els qui travaillai­ent depuis des années sur ces sujets dont les missions ont été largement entravées »

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où un héros masqué se rebelle contre une dictature.
Les opérations sont annoncées au grand public via des vidéos. Le porte-parole arbore le masque de Guy Fawkes, conçu par le dessinateu­r David Lloyd, pour la série de bande dessinée V pour Vendetta, où un héros masqué se rebelle contre une dictature.
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Le message du compte Twitter officiel d’OpParis prévient les participan­ts à l’opération de l’existence des faux comptes officiels, pilotés par les djihadiste­s.

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