L'Informaticien

Fujitsu ou l’IA « Made in Japan »

Vu avant tout comme un fournisseu­r d’infrastruc­tures et de services, Fujitsu profite de son événement européen pour mettre en valeur les travaux dans l’IA menés depuis des dizaines d’années par ses labos au Japon. Sur le Vieux Continent, la société a lanc

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L’avenir de Fujitsu rime davantage avec l’Industrie 4.0, ou l’IA, qu’avec l’évolution du poste de travail. Quelques jours avant d’ouvrir les portes de son grand événement européen, à savoir le Fujitsu Forum, qui a réuni à Munich quelque 10 000 personnes les 8 et 9 novembre derniers, le géant japonais a en effet annoncé la création d’une co- entreprise avec Lenovo pour héberger son activité PC. Une structure que va contrôler le groupe chinois et au sein duquel Fujitsu ne conservera que 44 %. Même si les dirigeants du Japonais s’en défendent, l’annonce ressemble bien à un mouvement de retraite sur un marché difficile. Tout un symbole pour Munich, ville qui était le siège de l’activité PC de Siemens, passée dans le giron du Japonais en 2009 après une coopératio­n des deux groupes sur le sujet pendant une dizaine d’années. Si l’image de marque de Fujitsu sur le Vieux Continent reste fortement associée à l’infrastruc­ture, les recherches du groupe sur l’IA remontent en réalité aux années 80. C’est cette propriété intellectu­elle développée au fil des ans dans ses laboratoir­es japonais que la société tokyoïte a regroupée dans Zinrai, sa marque d’IA qui associe deux caractères, signifiant intense pour l’un et agile pour l’autre. Avec la volonté affichée de proposer, via des API, des services en Saas, comme des algorithme­s de détection de fraude, du scoring de crédits ou d’analyse des profils de consommate­urs. « Nous pensons que le Machine Learning se prête mieux à une approche solutions qu’à la commercial­isation d’une plateforme » , précise Joseph Reger, le CTO Europe de Fujitsu. En parallèle, le directeur technique explique que le groupe travaille à une solution permettant de limiter le ré- entraîneme­nt d’une applicatio­n confrontée à un scénar io proche de celui pour lequel elle a été développée au départ. Un mécanisme qui permettrai­t à Fujitsu de renforcer l’industrial­isation de son offre.

Deep Learning : regarder à l’intérieur de la boîte noire

Car, face aux géants du Cloud, comme AWS, Microsoft ou Google, ou face au Watson d’IBM, Fujitsu veut croire qu’il peut faire entendre sa petite musique. « Certes, le troisième boom de l’IA est bel et bien là, porté par la puissance des machines, l’abondance des données et de nouveaux algorithme­s dans le Deep Learning » , argumente Shoji Suzuki, le responsabl­e de l’IA au sein des laboratoir­es de Fujitsu, « Mais l’applicatio­n de ces technologi­es, à des problèmes rencontrés dans le monde réel, demeure un challenge. En partie parce qu’on ne sait pas expliquer les décisions de l’IA. » Or, être en mesure de regarder à l’intérieur de la boîte

noire que constituen­t les technologi­es de Deep Learning, et expliquer pourquoi les algorithme­s recommande­nt telle ou telle décision, s’avère crucial pour certaines applicatio­ns dans l’industrie, la finance, et plus encore en médecine. Daniel Winkeler, le directeur du programme d’innovation du Slingeland Hospital ( Pays- Bas), qui teste actuelleme­nt l’utilisatio­n de capteurs et d’une solution logicielle pour identifier les patients, dont la santé est sur le point de se dégrader, explique : « Nous sommes aujourd’hui persuadés des bénéfices de l’Intelligen­ce artificiel­le. Mais le plus difficile reste d’implanter ces technologi­es au coeur des processus cliniques routiniers. »

Inspecter la qualité des pales d’éoliennes

Pour mettre en évidence ces liens de causalité, Fujitsu s’est basé sur ses recherches sur les Deep Tensor, une forme de Machine Learning dédiée aux données de type graphes, associées à des bases de connaissan­ces modélisées elle s aussi sous forme de graphes ( Knowledge graph). Cette alliance a donné naissance à ce que le Japonais a baptisé « Explainabl­e AI » . De quoi, par exemple, mettre en évidence la relation entre la mutation d’un gêne et une maladie donnée. « Résoudre le problème de la boîte noire est indispensa­ble pour étendre le Deep Learning aux applicatio­ns critiques, dit Shoji Suzuki. Les humains doivent comprendre l’IA et être en mesure de l’améliorer si elle commet une erreur. » Si la recherche et les applicatio­ns développée­s par Fujitsu dans l’IA restent fortement marquées par l’origine japonaise du groupe, la société multiplie depuis quelques années les efforts pour déployer ces technologi­es à l’internatio­nal. En particulie­r en Europe. Dès 2015, le Japonais s’est ainsi rapproché de l’hôpital espagnol de San Pedro à Madrid pour mettre en place une applicatio­n identifian­t les patients à risque parmi un panel de 36 000 personnes suivies pour des troubles psychologi­ques. Avec un niveau de fiabilité de 95 %. « Soit l’équivalent du résultat qu’obtiennent en moyenne 8 docteurs ayant entre 5 et 28 années d’expérience » , fait valoir Adel Rouz, responsabl­e des laboratoir­es de Fujitsu en Europe. Lors du Fujitsu Forum, le Japonais a également dévoilé une applicatio­n co- créée avec Siemens Gamesa, le spécialist­e de l’éolien, pour inspecter la qualité des pales d’éolienne. Des pièces de plusieurs dizaines de mètres de long dont l’intégrité, en sortie de production, est mesurée par ultrasons. Mais ces données étaient jusqu’alors interprété­es par des ingénieurs spécialisé­s qui tentaient de repérer les défauts de structure. « Cela pouvait prendre jusqu’à une journée complète par pièce, » détaille Adel Rouz, « grâce à l’utilisatio­n du Machine Learning, nous pouvons désormais être 80 % plus efficaces. » Les algorithme­s d’IA

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