Recherche désespérément ingénieurs système
Malgré un taux de chômage à 9 %, les entreprises du numérique peinent à recruter, notamment des ingénieurs système. La tension de ce métier n’est certes pas une nouveauté, mais 2017 a été une année particulièrement difficile du point de vue des recrutemen
Le saviez- vous ? Le 27 juillet était la Journée des administrateurs système. Un événement dont nous ignorions l’existence jusqu’à très récemment. En ce jour, il est recommandé d’offrir divers présents aux « admin sys » : nourriture, T- shirt à la gloire de l’IT, voiture de sport, séjour dans les Caraïbes et autres petites attentions… afin de montrer votre affection pour ces salariés « qui ne reçoivent pas la considération qui leur est due 364 jours par an » , comme le souligne le site dédié à cette célébration. Et s’il en est bien un qu’il faut gâter, c’est l’ingénieur système. De peur qu’il n’aille voir ailleurs et vous laisse en plan, et incapable d’en recruter un nouveau. Le métier est bien sous tension : les ingénieurs systèmes se font rares sur un marché où ils sont très chassés. Le Syntec Numérique nous fournit quelques chiffres quant à cette pénurie de compétences. En 2017, les entreprises du numérique en France avaient l’intention de recruter 2303 ingénieurs système. Ce qui représente quatre offres d’emploi pour un candidat. « Il s’agit du métier que nous recrutons le plus chez Econocom » , nous confie Julien Voyron, responsable recrutement dans l’ESN francilienne. Problème : les sociétés du secteur ne sont plus les seules à rechercher ce type de profils. Transformation numérique oblige, un nombre croissant d’entreprises dans d’autres domaines, à commencer par la banque et l’assurance, ont commencé à elles aussi recruter des ingénieurs systèmes. Ou, pour reprendre les termes de la présidente Commission RH de Tech in France, Françoise Farag : « Avec le déploiement du numérique sur toutes les entreprises, on assiste à une pénurie de ces profils qui sont structurant pour le déploiement du système d’information. » Il y a quelques années, certains écrivaient que c’en était fini de cette période où la finance drainait les ingénieurs, privant les SSII de précieux talents. Mais pour la première fois, en 2017, les entreprises hors branche ont recruté plus d’ingénieurs système et réseaux que celles du secteur.
Généraliste ou expert ?
Cette pénurie n’est pas sans conséquence. « Le recrutement est une vraie problématique et pose un frein à la croissance des entreprises, faute d’avoir les effectifs et les compétences suffisantes alors que le secteur est très porteur » , soutient Neila Hamadache, déléguée à la formation du Syntec Numérique. Cette tension est due à différents facteurs et le premier d’entre eux est bien évidemment la formation. Avec une tendance globale à la spécialisation, quel que soit le domaine. « Les écoles vont proposer de plus en plus de spécialisations sur des sujets ultra- précis : devops, big data, IA, sécurité… » , selon Julien Voyron. « Ce faisant, on écarte les étudiants de démarches plus généralistes, on saute des étapes dans le parcours traditionnel. Auparavant, on montait en compétences de manière progressive, avec des seniors plus experts, spécialisés sur un pan particulier. Mais on a de plus en plus besoin de trouver ces profils sur un public jeune » . En effet, la branche des ingénieurs système connaît « son année la plus terrible » à en croire Nicolas Récapet, directeur des Res sources Humaines chez Talan, mais la situation est pire dans d’autres filières. Cybersécurité, Business Intelligence et applicatifs sont encore plus sous tension. Bilan : les entreprises du numérique ont besoin d’experts sur des sujets précis, et manquent cruellement malgré les cursus dédiés qui provoquent en retour la raréfaction des profils plus généralistes, qui sont nécessaires à la bonne croissance de ces entreprises. Surtout, la filière des ingénieurs système manque de candidats. « On demande régulièrement une cartographie de formation et nous observons que ces dernières années l’offre de formation répond bien aux besoins, aussi bien sur le plan quantitatif – il y a suffisamment d’écoles – que qualitatif. Mais le taux de remplissage n’est pas bon, nous ne sommes pas à 100 % » , précise Neila Hamadache. Et de l’aveu de tous les interrogés, il s’agit d’une problématique réelle d’attractivité de ces métiers, aggravés par la concurrence d’autres secteurs d’activités. Il faut dire que les SSII ont longtemps – et sont sans doute toujours – perçues comme des « vendeurs de viandes » , recrutant quantités d’ingénieurs sortis de l’école et avec un peu d’expérience, les envoyant chez des clients accomplir des tâches répétitives, sans grand perspective… De quoi pousser les jeunes diplômés vers d’autres domaines.
Pas de femmes et trop d’années
Ce à quoi il faut ajouter un problème plus grave encore, qui grève littéralement les effectifs : le manque de féminisation sur les métiers techniques. « Le manque de féminisation, c’est une vraie perte pour notre secteur et un vrai sujet pour nos métiers » , souligne Françoise Farag. Et on ne peut pas jeter la pierre aux seules entreprises sur les questions de recrutement de femmes sur ces profils : il y a beaucoup moins de femmes à la sortie des écoles que d’hommes : 28 %, selon la CEDFI ( Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs), tous cursus confondus, un chiffre qui dégringole à 12 voire 8 % pour l’informatique selon les écoles. On parle d’orientation « genrée » , des représentations de ces métiers dans l’imaginaire collectif et d’une idée selon laquelle « l’informatique, ce n’est pas fait pour les filles » . Pour résoudre ce problème, il n’y a pas de solution miracle, « Il faut remonter à la source » explique Nicolas Récapet, « et inciter les femmes à s’engager dans ces parcours de formation, il y a un vrai travail de fond à faire de présentation du métier d’ingénieur système, au niveau de l’orientation des jeunes » . Un certain nombre d’initiatives, privées comme publiques, existent mais bien des efforts restent à faire pour changer les mentalités. Pour autant, on aurait tort de mettre en cause la seule formation. Le recrutement lui aussi n’est pas sans influer sur cette pénurie. Reprenons les chiffres du Syntec : 98 % des recrutements se font à Bac + 4/ 5. Ce que les entreprises recherchent, c’est l’Ingénieur avec un grand « I » , qui sort d’une grande école « reconnue par la profession » . « Dans les entreprises, on cherche des ingé sys et réseaux avec deux ou trois
Le manque de féminisation, c’est une vraie perte pour notre secteur et un vrai sujet pour nos métiers Françoise Farag, présidente Commission RH de Tech in France.